Berlinale | Critique : My Favourite Cake

Mahin, 70 ans, vit seule à Téhéran depuis la mort de son mari et le départ de sa fille pour l’Europe. Un après-midi, un thé entre amis l’amène à briser sa routine solitaire et à relancer sa vie amoureuse.

My Favourite Cake
Iran, 2024
De Maryam Moghaddam & Behtash Sanaeeha

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

UN CAKE D’AMOUR

Le duo iranien Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha s’était fait remarquer il y a trois ans, déjà en compétition à la Berlinale, avec leur précédent film Le Pardon. Malgré (ou peut-être justement à cause) de son succès en Iran, ce drame au discours anti-peine de mort fut rapidement banni des écrans, et les deux cinéastes assignés en justice. Alors même qu’ils ont tourné ce nouveau film intégralement en secret, Moghaddam et Sanaeeha sont aujourd’hui frappés d’une interdiction totale de quitter le territoire et se sont vus retirer leurs passeports, comme bien des cinéastes iraniens dissidents avant eux. Lors de la conférence de presse à la Berlinale, leurs sièges furent symboliquement laissez inoccupés aux côtés des interprètes du film.

Avec cette situation dramatique à l’esprit, on croit pouvoir deviner a l’avance exactement le type de film auquel on va assister ici. Or on a tort, car My Favourite Cake n’est pas le drame forcément-digne-et-didactique auquel un certain cinéma d’auteur iranien nous a bien habitués. My Favourite Cake est en réalité une comédie romantique, et peut-on dire qu’on ait déjà eu l’occasion de voir beaucoup de comédies romantiques iraniennes? Le film s’ouvre d’ailleurs sur un authentique gag : Mahin, 70 ans, râle contre l’importun qui ose l’appeler au téléphone et la faire sortir de son lit douillet aux petites heures de l’aube. « Mais il est midi » lui répond la voix au téléphone. C’est le début d’une journée potentiellement catastrophique pour l’héroïne qui se retrouve à cours d’excuse pour réchapper au visionnage des images de la coloscopie de sa copine hypocondriaque. Voilà un Iran loufoque tel qu’on le voit rarement dépeint sur nos écrans. Sans qu’on soit ici face à la comédie la plus provocante de l’année, ce dépaysement vaut le détour.

Veuve depuis plusieurs années, Mahin n’a perdu ni le goût des programmes télé sentimentaux ni celui de se maquiller, mais sa solitude lui rend le cœur lourd. Le hasard lui fait croiser la route d’un chauffeur de taxi, de son âge et lui aussi en manque d’amour. La voiture est sans doute le décor le plus utilisé de tout le cinéma d’auteur iranien contemporain et on a vu des choses se dérouler entre deux portières à Téhéran, mais avait-on déjà assisté à un coup de foudre ? Celui-ci de déroule quasiment en temps réel (un effet immersif réussi), porté par le charisme et le naturel des deux interprètes, davantage que par une écriture correcte mais qui n’y va pas toujours de main morte avec les symboles, tel ce jardin (secret ?) ou Mahin invite son nouvel amant.

My Favourite Cake n’est pourtant pas un film naïf ou inconséquent pour autant. Même si le long métrage a été écrit et tourné avant l’éclosion du mouvement révolutionnaire Femme, Vie, Liberté, le scénario n’élude pas la brutalité qui veut que les femmes voient leur moindre geste scruté et souvent puni. Présente surtout en arrière plan, cette violence-là prend plusieurs visages, allant du gag (une voisine trop curieuse qui sonne quand il ne faut pas) à la métaphore (la route jusqu’à l’hôtel nommé Liberté est plus longue qu’avant). Cette habileté s’évapore lorsque les cinéastes souhaitent remette cette violence au premier plan, avec une soudaineté quelque peu arbitraire et abrupte. Les dernières bouchées de ce gâteau ne sont pas nécessairement les plus digestes mais cela ne gâche pas le petit succès de cette recette.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |im

par Gregory Coutaut

Partagez cet article