Festival de La Roche-sur-Yon 2020 : notre bilan

L’édition du Festival de La Roche-sur-Yon qui vient de s’achever fut la 11e, mais aussi la toute première pour sa nouvelle directrice artistique, Charlotte Serrand. A l’heure où d’autres festivals sont contraints d’annuler leurs éditions ou de les remodeler entièrement, c’est déjà une chance que ce cru 2020 ait pu simplement avoir lieu. Cela ne doit pas pour autant éclipser le vrai succès artistique d’une sélection éclectique et excitante qui a fait de cette édition l’une des meilleures de ces dernières années à nos yeux.

La salle de concerts ne pouvait pas accueillir de performances comme c’est habituellement le cas ? Peu importe, celle-ci a donc servi de lieu de projections pour des films courts et longs. Ce détail d’organisation symbolise à lui tout seul la manière dont le festival a pour habitude d’abattre les cloisons entre les familles de films, entre les arts, entre les attentes. Cette édition 2020 l’a prouvé encore plus que d’habitude : les idées de cinéma les plus contemporaines et les plus vibrantes peuvent se trouver partout, et de préférence pas là où on les attend en premier lieu – dans les salles de spectacles ou musées d’art contemporain, dans les clips, les films courts (il y avait cette année plus de courts métrages que d’habitude – tant mieux) ou des films très très longs. Et quand les murs sont à terre, tout le plaisir est pour nous, comme le prouve le prix du public remis à Summertime, film musical justement diffusé dans une salle de concert lors d’une séance à l’immersion presque magique.

Si, par le passé, le festival a régulièrement consacré des hommages aux actrices et acteurs invités, ils ont cette année été dédiés à des réalisatrices : Sally Potter (dont on a ainsi pu redécouvrir la dimension féministe, queer et subversive de la filmographie) et Joanna Hogg (dont – par un mystère aberrant – aucun des films n’est sorti chez nous). Ces rétrospectives inédites consacrées à des créatrices aux œuvres mal connues et pourtant importantes, portées par une ambition formelle, ont donné l’impression chaleureuse de mettre en lumière des trésors cachés du cinéma contemporain. On peut associer à cette démarche enthousiasmante – qu’on souhaite voir poursuivie – le focus sur Julia Hart, la rediffusion de Certain Women en accompagnement de First Cow, ainsi que la redécouverte des très bons premiers films courts d’Eliza Hittman.

Il y a des festivals qui ont besoin de communiquer sur le nombre de réalisatrices sélectionnées pour que cela se remarque. Pas La Roche-sur-Yon. Même chose pour les films aux discours et démarches queer, qui prenaient d’ailleurs un poids supplémentaires, quelques jours après la toute première Marche des fiertés de la ville (l’arc en ciel nocturne sur l’affiche du Festival était peut-être un bienveillant clin d’œil ?). The World to Come est le titre de l’un d’entre eux, mais cela aurait pu être le slogan de bien des films sélectionnés cette année. S’il fallait trouver un fil rouge à cette édition 2020, on parlerait sans doute d’un sens généreux du romanesque, et d’une chaleur humaine contagieuse. Quelle chance que le festival mette sur notre chemin des films qui nous prennent par la main pour chercher le monde à venir, le monde de demain, et qui imaginent un vivre ensemble autrement. Des expérimentations les plus inattendues jusqu’aux succès les plus conviviaux, les films de La Roche sur Yon ne sont décidément pas seulement des gestes artistiques à admirer, mais des films qui nous aiment en retour.


Nos entretiens

« C’est bien sûr important, surtout en ce moment, de soutenir la culture, de la partager » | notre entretien avec Charlotte Serrand, directrice artistique du festival

« Mélanger l’archéologie et les éléments de science-fiction dans une approche intime qui tienne de la fable » | notre entretien avec Vinícius Lopez et Luciana Mazeto, réalisateurs d’Irmã

« Ce que je recherchais, c’était de mettre en scène un désordre des sens » | notre entretien avec Natalia Meta, réalisatrice d’El Prófugo

« J’étais curieux de connaître les expériences et les ressentis des gens face à cette crise » | notre entretien avec David OReilly, réalisateur de Corona Voicemails

« Passage évoque la représentation des sexes dans le cinéma » | notre entretien avec Ann Oren, réalisatrice de Passage

« Le film était une ode à cette peur » | notre entretien avec Renee Zhan, réalisatrice de O Black Hole !

« Faire un film sur une femme qui reprend le pouvoir sur son propre corps et montrer cela d’une manière unique » | notre entretien avec Morgane Dziurla-Petit, réalisatrice de Grab Them (bientôt en ligne)


Nos critiques

Compétition internationale
Curveball | Johannes Naber
Gunda | Victor Kossakovsky
Louloute | Hubert Viel
Louxor | Zeina Durra
My Salinger Year | Philippe Falardeau
The Roads not Taken | Sally Potter
Le Sorelle Macaluso | Emma Dante
The World to Come | Mona Fastvold
Wendy | Benh Zeitlin

Nouvelles Vagues
Bait | Mark Jenkin
I Carry You With Me | Heidi Ewing
Irmã | Luciana Mazeto & Vinícius Lopez
Nadia, Butterfly | Pascal Plante
El Prófugo | Natalia Meta
Summertime | Carlos López Estrada
This is not a Burial, it’s a Resurrection | Lemohang Jeremiah Mosese

Séances spéciales
City Hall | Frederick Wiseman
First Cow | Kelly Reichardt
Genus Pan | Lav Diaz
The Nest | Sean Durkin
This Train I Ride | Arno Bitschy
Je voulais me cacher | Giorgio Diritti

Perspective
HandballStrive | Daigo Matsui (bientôt en ligne)
The Earth Is Blue as an Orange | Iryna Tsilyk
Happy Old Year | Nawapol Thamrongrattanarit
The Mole Agent | Maite Alberdi
Mogul Mowgli | Bassam Tariq
Sème le vent | Danilo Caputo
The Truffle Hunters | Michael Dweck et Gregory Kershaw

Variété
Mandibules | Quentin Dupieux

En famille
Le Peuple loup | Tomm Moore & Ross Stewart

Rétrospective Joanna Hogg
The Souvenir


Le palmarès

Notre article des les 15 rendez-vous à ne pas manquer au festival

Notre page spéciale

Gregory Coutaut

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