Critique : Wendy

Perdue sur une île mystérieuse où l’âge et le temps ne font plus effet, Wendy doit se battre pour sauver sa famille, sa liberté et garder l’esprit jovial de sa jeunesse face au danger mortel de grandir.

Wendy
Etats-Unis, 2020
De Benh Zeitlin

Durée : 1h52

Sortie : 23/06/2021

Note :

MONTS ET MERVEILLES

L’histoire de Peter Pan est suffisamment connue et identifiée pour avoir donné lieu à différentes adaptations cinématographiques elles-mêmes célèbres. Si le matériau de base est si familier, qu’est-ce qui explique que Wendy donne l’impression de ne ressembler à presque aucun autre film ? Comme les enfants du conte qui ne grandissent plus, le style du cinéaste américain Benh Zeitlin n’a pas beaucoup changé depuis Les Bêtes du sud sauvages, film qui le révéla il y a déjà huit ans. Mais ce style demeure unique, et n’a pas perdu de son aura. Dans les marges les plus invisibles d’une Amérique à la Mark Twain (l’époque où se déroule l’action est volontairement laissée floue) où la nature est pleine de recoins, de rouille et de marécages, Zeitlin ouvre des interstices merveilleux. Avec une magie sans pareille, il transforme une fois encore les terrains vagues en nouveau monde.

Ces changements d’échelle sont l’une des formules les plus bouleversantes du film. Zeitlin filme à auteur d’enfant, cela pourrait n’être qu’un cliché mais à travers leurs yeux affamés d’imagination, sa caméra transforme une rivière en océan infini, les trains se mettent à voler dans le ciel ou au-dessus de la mer, comme dans un Miyazaki. Paradoxalement, on pourrait dire qu’il ne se passe pour ainsi dire pas grand chose dans toute une partie du conte de poche qu’est Wendy (et quand les nœuds narratifs sont plus présents, l’ensemble perd d’ailleurs de sa grâce) mais le film est porté par le souffle épique de l’imagination, qui donne aux jeux enfantins les dimensions d’une légende et une force à déplacer les montagnes. Ce souffle romanesque, cette croyance dure comme fer au premier degré magique des contes de fées, cette pureté sans ironie ou recherche du cool : où les trouve-t-on dans le cinéma d’aujourd’hui si ce n’est en Asie, et surtout dans le cinéma d’animation ?

“Tous les enfants grandissent, mais certains, les plus sauvages, s’échappent”. Dans la toute première scène du film, un gamin fuit en effet, presque sur un coup de tête, sautant dans un de ces interstices fantastiques dont l’ouverture furtive est l’un des premiers trésors du film. Ce qu’il fuit, c’est moins la compagnie des adultes que leur regard. Se sauver des adultes, c’est échapper à l’emprisonnement de leur regard sans imagination. Quand ces enfants se voient à travers leurs propres yeux, c’est dans un monde sans limite, d’une générosité bouleversante. Voir Wendy constitue une expérience similaire : les retrouvailles avec un trésor perdu, celui d’une imagination qui ne rencontre aucun obstacle.

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par Gregory Coutaut

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