Berlinale | Critique : Sleep with Your Eyes Open

Une ville côtière du Brésil. Kai, le cœur brisé , vient de Taïwan et est ici en vacances. Elle fait la rencontre de Fu Ang dans un magasin de parapluies. La saison des pluies n’arrive pas et la boutique ferme. Alors qu’elle est à la recherche de Fu Ang, Kai tombe sur Xiao Xin et un groupe d’ouvriers chinois dans un gratte-ciel de luxe…

Sleep with Your Eyes Open
Brésil, 2024
De Nele Wohlatz

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

JE RÊVE LES YEUX OUVERTS

Les personnages de Sleep With Your Eyes Open sont un peu perdus. Ils se trouvent pourtant dans un petit coin de paradis : une station balnéaire brésilienne où les opportunités de travail guettent à chaque coin de rue, comme le bleu de l’océan qui n’est jamais bien loin. Kai débarque de Taiwan, cherchant à oublier une histoire d’amour avortée. Dans cette chatoyante ville de tous les possibles (mais dont le nom n’est jamais prononcé ou indiqué, tiens), les signes à interpréter sont légion. Mais quel sens et direction trouver entre un t-shirt clamant « la faiblesse est un choix », une télécommande en panne et la découverte de cartes postales qui semblent n’avoir été écrites pour personne?

Tout ne marche pas comme sur des roulettes pour Kai, qui traine son spleen de chambre mal isolée en gratte-ciel de luxe. Un climatiseur récalcitrant l’amène à faire connaissance de Fu Ang qui tient une boutique de parapluies. Mais peut-il vraiment pleuvoir au paradis ? Une nouvelle perte de repères attend rapidement Kai lorsqu’elle découvre que cette boutique a fermé du jour au lendemain faute de client, et que Fu Ang s’est lui aussi volatilisé sans prévenir. Même en essayant de s’intégrer à la communauté asiatique de ce coin d’Amérique latine, Kai (qui « déteste être visible ») peine à se défaire de la solitude qui la colle comme une malédiction.

Les personnages de Sleep With Your Eyes Open sont comme perdus dans la traduction. C’était déjà le cas des protagonistes d’El futuro perfecto, le très bon premier film de Nele Wohlatz. Née en Allemagne et longtemps basée en Argentine, la réalisatrice troque ici Buenos Aires pour le Brésil mais compose à nouveau une élégante rêverie sur le sentiment d’exil. Détachés du quotidien (Sleep With Your Eyes Open est trop contemplatif pour rentrer dans les strictes cases du cinéma social), Kai et les autres traversent de superbes décors un peu comme des somnambules, comme s’ils étaient vus à travers la paroi floue d’un aquarium. Entre mélancolie et couleurs vives, ce doux voyage immobile produit par Kleber Mendonça Filho offre un émouvant vertige de poche.

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par Gregory Coutaut

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