Critique : Revoir Paris

A Paris, Mia est prise dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle de l’évènement que par bribes, Mia décide d’enquêter dans sa mémoire pour retrouver le chemin d’un bonheur possible.

Revoir Paris
France, 2022
De Alice Winocour

Durée : 1h45

Sortie : 07/09/2022

Note :

LA MÉMOIRE DANS LA PEAU

Ces dernières années, plusieurs films inspirés plus ou moins directement par les attentats du 13 novembre 2015 se sont succédé. Les événements ont parfois été traités en creux, comme dans le pudique et bouleversant Amanda de Mikhaël Hers. Ou de manière plus directe dans Un an, une nuit d’Isaki Lacuesta (présenté à la Berlinale et prochainement en salles) et Vous n’aurez pas ma haine de Kilian Riedhof (au cinéma cet automne). Ces deux derniers films ont d’ailleurs été adaptés d’écrits autobiographiques, respectivement signés par Ramon González (survivant de l’attaque terroriste du Bataclan) et Antoine Leiris (endeuillé le même soir). L’origine de Revoir Paris est elle aussi autobiographique (le frère d’Alice Winocour fait partie des survivants du Bataclan), même s’il ne s’agit pas d’une fidèle retranscription – ici, quelque part à Paris, une attaque a lieu au sein d’une brasserie.

Revoir Paris raconte le chemin résilient emprunté tant bien que mal par Mia (Virginie Efira, une fois de plus excellente). La jeune femme sort vivante de cet attentat, mais que porte-t-elle encore en elle, dans sa chair et dans sa mémoire ? Winocour dépeint le traumatisme (comme le stress post-traumatique du protagoniste de Maryland) et ses images, qu’elles soient persistantes ou manquantes. La porte est naturellement ouverte aux grands sentiments mélodramatiques, mais la mise en scène de Winocour ne l’est jamais. Revoir Paris, telle Mia qui est dans l’action, est factuellement nerveux, pas sensoriel, là aussi à l’image de ses précédents films. Cela pourrait être paradoxal, c’est au contraire un très bon moteur, qui fonctionnait déjà dès son formidable court métrage Magic Paris.

Paris est d’ailleurs au centre du film. C’est un Paris nocturne, un Paris dont on déploie la carte. Le Paris de République ou de Porte de la Chapelle, de la Tour Eiffel ou de l’Orangerie. Comme dans Amanda où le Paris contemporain était parcouru à vélo, la cinéaste place une ville blessée au centre de la narration. C’est l’expérience intime et traumatisante de Mia, mais aussi aussi de celles et ceux qui l’entourent. Winocour, avec une grande finesse d’écriture, trouve un équilibre intelligent et parvient à faire le portrait d’une expérience personnelle sans occulter l’expérience collective – dans Revoir Paris, l’un sert l’autre.

La qualité d’écriture mais aussi de regard de la réalisatrice fait qu’on a là un cinéma où les personnages n’ont pas besoin de dire ce qu’ils ressentent pour le souligner et pour que les spectateurs comprennent. Revoir Paris est, justement, un film sur des gens qui n’arrivent pas à verbaliser ce qu’ils ont vécu. C’est aussi une œuvre généreuse qui, comme son récent Proxima, parvient à être à la fois exigeante et grand public. Il fallait le talent de cette cinéaste pour réussir un tel long métrage, qu’il soit un film de réconfort sans simplification mièvre. Le résultat est brillant et poignant.

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par Nicolas Bardot

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