Critique : La Salle des profs

Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.

La Salle des profs
Allemagne, 2023
De İlker Çatak

Durée : 1h34

Sortie : 06/03/2024

Note :

L’ECOLE DES PASSIONS

Carla, jeune enseignante, est filmée de dos, faisant face à sa classe, les bras tendus comme une cheffe d’orchestre. Pourtant, personne ne sera si facilement mené à la baguette dans La Salle des profs, et Carla elle-même n’a rien d’une professeure autoritaire. Lorsqu’un élève est soupçonné de vol, la jeune femme s’oppose aux jugements hâtifs. La musique, proche de celle d’un thriller, suggère pourtant autre chose. La lumière, d’une inconfortable blancheur clinique, également. Lorsque Carla va se retrouver confrontée à une nouvelle situation délicate sur son lieu de travail, comment son intégrité et son idéalisme vont-ils se heurter au réel ?

Le réel, à vrai dire, où se cache-t-il ? De nouveaux soupçons règnent dans la salle des profs, et tout accuse une personne en particulier. Les enseignants soupçonnent les élèves, qui soupçonnent les profs, qui eux-mêmes sont soupçonnés par les parents, et le doute paranoïaque s’insinue partout. Le cinéaste İlker Çatak dépeint une relation de confiance qui s’est totalement brisée, et parvient à en faire un vrai film de cinéma, pas un simple épisode sensationnaliste d’Enquête exclusive. Le dilemme moral dans La Salle des profs est tourné comme un film à suspens, voire un film d’action. Exemple d’une scène remarquable à cet égard : lors d’un entretien pour le journal de l’école, le suspens vient du rythme, des jeunes acteurs, du découpage et de la chorégraphie autour d’une table. Ce n’est pas une hyperbole que de dire que la tension dans La Salle des profs est digne d’un thriller.

Les règles, les algorithmes, la manière logique d’assembler un Rubik’s Cube, toutes les certitudes volent en éclat lorsque peu à peu Carla perd le contrôle. Celle-ci est interprétée avec beaucoup de talent par Leonie Benesch, actrice qu’on a pu croiser dans Le Ruban blanc ou dans la série The Crown. Son jeu tendu et subtil apporte lui aussi une intensité à couper au couteau dans ce film de doute, d’humiliation et de pression psychologique. C’est, en creux mais aussi de manière assez évidente, un miroir entre école et société : les dynamiques de groupes, les rapports de classe, le racisme, la bêtise et la détresse. Le long métrage se dirige vers un malaise quasi-autrichien tout en s’arrêtant un peu avant. La sécheresse abrupte de son dénouement déplace intelligemment les enjeux : plutôt qu’un pur whodunitLa Salle des profs est une étude sociétale d’une redoutable efficacité.

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par Nicolas Bardot

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