Critique : Inchallah un fils

Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, 30 ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.

Inchallah un fils
Jordanie, 2023
De Amjad Al Rasheed

Durée : 1h56

Sortie : 06/03/2024

Note :

LE FILS PRÉFÉRÉ

Premier film jordanien à être sélectionné au Festival de Cannes (et dans ce cas précis à la Semaine de la Critique), Inchallah un fils ne ressemble pourtant pas, sur le papier, à une première. Les festivals de cinéma regorgent en effet de portraits de femmes dignes réalisés au Proche-Orient, en lutte contre des sociétés patriarcales, des films dont le sujet édifiant se substitue parfois à un point de vue singulier en termes d’écriture ou de mise en scène. Avec un appétit prometteur, le jeune Amjad Al Rasheed (lire notre entretien) évite la redite avec son premier long métrage.

Certes, les figures d’Inchallah un fils sont très archétypales. Mais le film sait faire preuve de personnalité, d’abord en ayant des personnages qui ne sont pas que des prétextes ou des allégories : Al Rasheed et ses co-scénaristes Rula Nasser et Delphine Agut savent rendre leurs protagonistes vivants, crédibles et attachants. Ce succès est également dû à l’interprétation, et la brillante Mouna Hawa parvient à retranscrire toutes les dimensions d’un personnage écrit avec richesse et complexité.

Lors d’une scène d’Inchallah un fils, la fille d’une patronne dit des horreurs sur son père. L’héroïne rit, et la fille lui répond : « tu trouves ça drôle ? » sans vraiment lui en vouloir. C’est un peu comme si cette question s’adressait à nous, spectateurs : le récit a beau parler d’une situation dramatique, des respirations comiques y trouvent néanmoins leur place. Le film n’est évidemment pas une comédie, mais le postulat est d’une telle absurdité et d’une telle cruauté qu’un mauvais esprit ironique semble s’inviter de lui-même dans ce marasme – le cinéaste avait d’ailleurs initialement envisagé ce long métrage comme une comédie noire. Ces touches discrètes sont là, sans pour autant que le film ne se moque de la protagoniste.

Qu’est-ce que ce monde tel qu’il est établi peut bien proposer à des femmes comme Nawal ? Dieu est dans toutes les bouches, le paternalisme est de rigueur, et puis de toute façon compte-t-elle vraiment ? Une voix l’indique dès le début du film : en perdant son mari, Nawal « perd toute sa vie ». Sa vie justement, cela peut être une situation aussi triviale que rattraper un soutif accroché à une branche d’arbre sans être vue des passant. Ça peut être, surtout, une question de survie. Tous les moyens sont bons et il est rafraichissant de ne pas faire de Nawal la sainte sacrifiée d’un théâtre doloriste, prisonnière de décors étouffants. Jamais pétrifié par ses bonnes intentions, bien écrit et efficacement rythmé, Inchallah un fils est une solide réussite.

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par Nicolas Bardot

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