Critique : Levante

Sofia, une joueuse de volleyball prometteuse de 17 ans, apprend qu’elle est enceinte la veille d’un championnat qui peut sceller son destin. Ne voulant pas de cette grossesse, elle cherche à se faire avorter illégalement et se retrouve la cible d’un groupe fondamentaliste bien décidé à l’en empêcher à tout prix. Mais ni Sofia ni ses proches n’ont l’intention de se soumettre à l’aveugle ferveur de la masse.

Levante
Brésil, 2023
De Lillah Halla

Durée : 1h39

Sortie : 06/12/2023

Note :

SPORT DE COMBAT

La vie n’est qu’un jeu pour Sofia, 17 ans, et ses copines. Un jeu de rôles pour chiper des produits à la supérette du coin, un jeu sur le terrain puisque Sofia et ses camarades forment une équipe de volleyball, un jeu dans les douches, des rires dans le bus – rien ne semble si sérieux. Lorsque Sofia découvre sa grossesse, il n’est plus vraiment question de rire. Levante se déroule dans un Brésil gangrené par le fascisme et où l’intégrisme religieux est puissant. Dans ce contexte, la grossesse et le choix de Sofia qui désire avorter ne semblent pas lui appartenir : c’est l’affaire de tous.

Qu’il s’agisse de son père, de l’encadrement médical, des grenouilles de bénitiers, de sa structure sportive ou tout simplement de la loi, Sofia a visiblement des comptes à rendre à tout le monde. C’est le climat toxique que la Brésilienne Lillah Halla dépeint avec efficacité. Elle installe en effet dans son film une tension crescendo qui peut emprunter au thriller – il y a en tout cas un parallèle assez net entre les parties de volleyball et la partie que Sofia engage dans sa vie, avec des règles (justes ou absurdes) et le besoin d’être persévérante pour survivre.

Halla n’édulcore pas l’engrenage vicieux dans lequel son héroïne s’engage malgré elle, et dépeint le faux dévouement des intégristes qui ont bien du mal à déguiser leur malveillance et leur haine des femmes. La cinéaste, néanmoins, laisse une place précieuse à la chaleur humaine. Levante s’ouvre par des couleurs chatoyantes qui reviennent régulièrement dans le film. Le long métrage explore une utopie en marche : celle d’une équipe de sport inclusive, où les luttes des femmes – toutes les femmes – sont partagées, et où la sororité peut bien renverser des montagnes. Cette équipe (coachée par Grace Passô, visage familier du cinéma brésilien indépendant vue entre autres dans Temporada, Au cœur du monde et Desterro) ne joue pas que sur le terrain. Leur insurrection (levante en brésilien) est galvanisante, tandis que les enjeux parviennent à être aussi spécifiques que parfaitement universels. Et malgré les drames et l’amertume, le dénouement (qu’on ne dévoilera évidemment pas) est d’une malice absolument délicieuse.

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par Nicolas Bardot

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