Festival CPH:DOX | Critique : Daughter of Genghis

Une odyssée de sept ans à travers la pègre mongole avec la chef de gang nationaliste, féministe invétérée et mère célibataire Gerel, qui se bat pour une Mongolie « racialement pure » mais aussi pour son fils.

Daughter of Genghis
Danemark/Suède, 2024
De Kristoffer Juel Poulsen, Christian Als et Knud Brix

Durée: 1h26

Sortie : –

Note :

LA LIGNE DROITE

Gerel est une femme d’une trentaine d’années, qui élève seule son fils à Oulan-Bator après la mort de son compagnon. Ce n’est pas la seule difficulté à laquelle Gerel est confrontée dans la vie : dans une Mongolie prise en sandwich entre Russie et Chine, la jeune femme a été élevée dans la crainte de l’impérialisme étranger. Tandis que les ressources mongoles sont exploitées par d’autres nations, Gerel se bat pour elle, mais aussi pour son pays. Cela pourrait être les ingrédients pour raconter l’histoire d’une fière héroïne mythologique, mais le film du trio danois Kristoffer Juel Poulsen, Christian Als et Knud Brix, dévoilé en première mondiale à CPH:DOX, compose un portrait bien moins glorieux.

« Putain de Chine » font partie des premiers mots prononcés par Gerel dans le long métrage. La jeune femme est xénophobe à peu près dès qu’elle ouvre la bouche. Elle se lance dans des raids anti-prostitution en n’ayant visiblement aucune considération pour les prostituées – c’est avant tout le fait qu’elles couchent avec des étrangers qui l’indigne. Gerel porte une swastika et tente de se justifier en indiquant qu’elle n’a rien à voir avec les nazis, mais le groupe de la swastika blanche (Tsagaan Khas) auquel elle appartient est bel et bien une organisation néo-nazie mongole. Obsédée par la « pureté du sang », admiratrice de Genghis Khan, elle bourre également le crâne de son fiston obligé d’avaler le nationalisme de son boulet de mère.

Il y a des paradoxes chez Gerel qui pourraient faire d’elle un intéressant personnage de cinéma, mais sa pénibilité a tendance à déteindre sur le film dont le point de vue reste longtemps d’une neutralité parfois illustrative, presque complaisante. Daughter of Genghis gagne en profondeur lorsqu’il gagne en cruauté et en pathétique. Gerel, qui se rêve héroïne moralement supérieure, n’arrive à peu près à rien dans la vie. Elle se perd dans le noir et on est obligé d’aller la chercher comme une gosse de 7 ans, elle ne parvient pas à s’occuper de son fils, elle se retrouve (disgrâce ironique pour elle) à travailler pour une boite chinoise. C’est une femme forte qui cherche la bagarre mais qui pleure en cachette.

Peu à peu, le film raconte une autre histoire : celle d’une obsession réactionnaire et nationaliste qui semble être le bouclier derrière lequel se cache une personne petiote, mal adaptée aux épreuves de la vie – à l’image des tout petits Français d’extrême-droite qui s’imaginent héritiers de Napoléon. Amère, Gerel en convient : « c’est épuisant d’être emplie de haine, j’ai perdu tellement de temps à haïr mon prochain ».

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par Nicolas Bardot

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