Festival CPH:DOX | Critique : Immortals

Milo, une féministe déterminée, se fait passer pour un homme afin de pouvoir se déplacer plus librement à Bagdad en tant que femme. Khalili, un jeune cinéaste ambitieux, découvre le pouvoir de sa caméra comme arme dans la lutte contre le régime. Au lendemain de la révolution de 2019, Milo et Khalili sont les visages, les yeux et les voix d’une jeunesse irakienne qui se bat sans relâche pour un avenir meilleur. Le film donne un aperçu des espoirs et des rêves brisés d’une nouvelle génération qui, depuis l’invasion menée par les États-Unis, ne connaît que la guerre.

Immortals
Suisse/Iraq, 2024
De Maja Tschumi

Durée : 1h34

Sortie : –

Note :

A LA VIE, A LA MORT

Dans son documentaire Immortals, présenté en première mondiale et en compétition au Festival CPH:DOX, la Suissesse Maja Tschumi fait le portrait de deux protagonistes. Il y a Milo, une jeune féministe emprisonnée chez elle, et Khalili, un apprenti cinéaste devenu par le force des choses reporter de guerre. Immortals se déroule aux lendemains des manifestations anti-gouvernementales qui ont débuté en octobre 2019 en Iraq. Milo, sanctionnée, est assignée à résidence, tandis que Khalili, caméra au poing, témoigne et transmet en pleine manifestation.

Vingt ans après l’invasion américaine, Immortals fait le portrait d’une jeunesse en révolte. Tschumi offre une double perspective : celle d’une jeune femme qui est contrainte de poursuivre son combat à distance puis celle d’un jeune homme dans le feu de l’action. C’est leur révolution et leurs témoignages intimes à la caméra, mais c’est aussi la peinture à plus grande échelle d’un ample mouvement. La violence des témoignages est autant verbale (les récits de Milo ou d’autres femmes torturées) que physique (avec Khalili face à la répression des forces de l’ordre dans des images forcément impressionnantes).

C’est aussi une double nature d’images que Maja Tschumi utilise dans son long métrage. Il y a de temps à autre un relais entre les images documentaires et celles rejouées – des scènes risquées qui ici sont recréées. Les différents registres et différents points de vue tentent ensemble de mettre le doigt sur le réel tandis que les protagonistes sont pris.e.s dans un tourbillon. La lutte sans fin se poursuit jusque chez soi, lorsque Milo raconte que c’est son propre père qui a brûlé toutes ses affaires et ses papiers en représailles. La survie trouve néanmoins son chemin : la jeune héroïne expérimente une forme de libération lorsqu’elle emprunte les vêtements de son frère pour aller « déguisée » dans la rue où elle bénéficie d’un respect qui lui était inconnu lorsqu’elle était « habillée en femme ».

À l’atmosphère violente de la révolte succède le choc silencieux d’une ville comme assommée, où les noms des martyrs sont écrits sur les murs. Quel futur pour le pays et pour ses jeunes ? « Ma famille est une cause perdue » affirme Milo, ajoutant : « à un certain point, il faut arrêter de se battre ». Pour vivre, elle envisage de partir. Pour vivre, Khalili continue de témoigner. En racontant un immense soulèvement populaire, Maja Tschumi dépeint avec finesse les profondes solitudes qui le composent.

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par Nicolas Bardot

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