Critique : Adios entusiasmo

Axel, 10 ans, vit avec sa mère Margarita et ses trois sœurs, âgées d’une vingtaine d’années. Leur appartement est comme une caverne confortable où ils jouent de la musique, mangent, dorment et discutent dans une atmosphère chaleureuse alors que Margarita vit enfermée dans sa chambre pour une raison mystérieuse.

Adios entusiasmo
Argentine, 2017
De Vladimir Duran

Durée : 1h19

Sortie : 15/03/2023

Note :

MAISON DE FOUS

Voilà un premier film pas banal venu d’Argentine. Banal, c’est pourtant ce qui vient à l’esprit quand on voit le quotidien des enfants de Margarita. Dans l’appartement où ils vivent tous avec leur mère, ils se chamaillent normalement, vaquent à leurs occupations, font leur devoir, écoutent de la musique ou parlent avec leur maman, qui fait ce qu’elle peut pour réconcilier tout le monde. Petite précision, la maman vit enfermée dans un placard caché derrière la salle de bain, et on lui fait passer sa nourriture par un trou fait dans le mur. Et comme si la situation n’était déjà pas assez ubuesque, tout le monde (des enfants aux visiteurs de passage) fait comme si tout était normal. Pourquoi est-elle isolée ainsi ? Le réalisateur colombien Vladimir Duran (lire notre entretien)  – dont c’est ici le premier film – lance quelques sous-entendus furtifs, mais se paye le culot de ne jamais donner d’explication. Nous voilà doublement stupéfaits.

Il y a une ambiance vraiment singulière dans Adios entusiasmo, à la lisière de l’inquiétante étrangeté. Comme si ce quotidien flottant – et pas toujours très rythmé – pouvait basculer dans le fantastique d’un moment à l’autre, ou comme s’il cachait une grande violence qui pourrait bien remonter à la surface. On ne sait pas trop si on est impatient de voir maman sortir de sa cachette ou si on a trop peur pour ça. Le film multiplie les pistes en même temps que les registres : toute invisible qu’elle soit, cette maman est particulièrement bavarde et n’hésite pas à donner ses avis envahissant sur tout – un excellent gag récurrent.

Maman est-elle un monstre ? Est-elle une malade mentale enfermée pour son propre bien ? Est-elle une réfugiée politique dont il faudrait cacher l’existence ? Est-elle un fantôme dont on a refusé de faire le deuil ? A quelle métaphore avons-nous ici affaire ? Le film ne franchit jamais clairement le pas, ce qui peut se révéler frustrant – mais son sens du mystère généreux donne lieu à quelques moments vraiment dingos, telle cette scène d’anniversaire, où un drôle de jeu de société vire à la thérapie de groupe puis presque… à la séance collective de ouija. Pas banal du tout.

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par Gregory Coutaut

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