Films de Femmes de Créteil | Critique : Praia Formosa

Née au début du XIXe siècle au Royaume du Congo, Muanza a été vendue comme esclave au Brésil. Elle se réveille un jour dans notre époque actuelle, errant dans les rues de la région portuaire de Rio connue sous le nom de Petite Afrique.

Praia Formosa
Brésil, 2024
De Julia de Simone

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

SEULE SUR LA PLAGE LA NUIT

C’est dans des nuages de poussière que débute Praia Formosa : les chantiers et travaux à l’image montrent une ville en pleine transformation, tournée vers le futur. Un instant plus tard, une plaque dans la rue mentionne une impératrice du 19e siècle. Par quoi les rues restent-elles hantées ? La Brésilienne Julia de Simone (lire notre entretien) situe son histoire Quai de Valongo, un débarcadère où des centaines de milliers d’esclaves furent amené.e.s au Brésil il y a 200 ans. Aujourd’hui, des panneaux mentionnent « Samba City », des publicités aux slogans sirupeux mettent en avant de beaux appartements. Quid de l’effacement historique et de celles et ceux qui en sont les victimes ?

En un clin d’œil, Praia Formosa se transforme en film historique. Nous voici aux côtés de Muanza, dans un ancien manoir sur lequel semble régner Catarina, une Portugaise blanche. Mais qu’y a-t-il derrière les murs, les portes et au bout des couloirs ? L’héroïne a semble t-il le pouvoir de voyager à travers les époques. Mais traverse t-elle réellement le temps, ou le passé est-il toujours là ? Dans une démarche qui rappelle celle de Todos os mortos réalisé par ses compatriotes Marco Dutra et Caetano Gotardo, Julia de Simone dépeint la porosité entre le passé et le présent qui se superposent, plus qu’un voyage qui irait d’un point A à un point B.

Ainsi, lorsqu’aujourd’hui Muanza regarde la ville et la mer de nuit, ce contraste donne un air de science-fiction au présent. Les traces du passé sont pourtant partout, comme dans les cheveux dont les tresses dessinent comme une carte au trésor pour expliquer un chemin. La réalisatrice constitue toute une généalogie et explore des strates comme si l’on fouillait dans des ruines. On passe d’une époque à l’autre, du documentaire à la fiction. Tout cela est effectué avec minimalisme, mais laisse place à une part de magie.

Visuellement soigné, Praia Formosa est rehaussé par un remarquable travail sur la lumière, dans les scènes intérieures comme extérieures. D’excavations en maison fantômes, le film met en avant histoires et témoignages. Et puis s’ouvre une porte : celle dédiée à l’espoir et au futur qui prennent la forme d’une communauté de femmes, dans un échange chaleureux qui ne condamne pas ses protagonistes à l’errance.

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par Nicolas Bardot

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