Quels sont les films à ne pas manquer en octobre ? Le menu de ce mois-ci est très riche : Le Polyester vous propose sa sélection de longs métrages à découvrir en salles.
• The Devil’s Bath, Veronika Franz & Severin Fiala (2 octobre)
L’histoire : 1750. Haute-Autriche. Agnes, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable. Sa seule issue lui apparaît alors sous la forme d’un acte de violence inouï.
Pourquoi il faut le voir : On a pu remarquer le talent de Franz et Fiala (lire notre entretien) dès leur premier long, le film d’horreur Goodnight Mommy. Primé à la Berlinale et candidat de l’Autriche pour les Oscars, The Devil’s Bath est davantage un film historique sur des faits horribles qu’un pur film d’horreur. Il s’inspire d’histoires réelles qui ont eu lieu en Autriche comme en France : dans des sociétés ultra-religieuses où le suicide est le pire des péchés, des femmes qui souhaitent mourir en viennent à commettre des crimes dans l’espoir d’être exécutées et d’aller au paradis. Visuellement somptueux, The Devil’s Bath est un film d’une captivante densité sur le poids politique de la religion, en particulier sur les femmes.
• All We Imagine as Light, Payal Kapadia (2 octobre)
L’histoire : Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha, infirmière à Mumbai, s’interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d’un séjour dans un village côtier, ces deux femmes empêchées dans leurs désirs entrevoient enfin la promesse d’une liberté nouvelle.
Pourquoi il faut le voir : Révélée à la Quinzaine avec son superbe documentaire Toute une nuit sans savoir, l’Indienne Payal Kapadia (lire notre entretien) signe cette fois une fiction avec All We Imagine as Light, Grand Prix au dernier Festival de Cannes. Le film raconte le quotidien de deux femmes de Mumbai, leurs amours et leurs désirs. La cinéaste dépeint avec un regard d’une riche humanité ce qui lie ses héroïnes, et ce qui nous lie tout court. Cette merveille chaleureuse s’inscrit dans un certain réalisme, mais la poésie du point de vue de Kapadia offre au film une vibration sensible et singulière.
• Quand vient l’automne, François Ozon (2 octobre)
L’histoire : Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.
Pourquoi il faut le voir : Doublement primé ce weekend au Festival de San Sebastian (prix du scénario et d’interprétation), Quand vient l’automne est un film riche d’ambigüités où le drame est habité par une tension de thriller. Partageant des points communs avec le compas moral tordu de Miséricorde d’Alain Guiraudie, le nouveau François Ozon renoue avec le mauvais esprit du cinéaste et son irrévérence vis-à-vis des conventions. La distribution, comme toujours chez le cinéaste, brille dans ce film qui parvient à être grand public sans diluer ce qui constitue le cœur de son cinéma.
• Un amor, Isabel Coixet (9 octobre)
L’histoire : Natalia, la trentaine, se retire dans un village de la campagne espagnole pour échapper à un quotidien stressant. Elle se heurte à la méfiance des habitants, se lie d’amitié avec un chien, et accepte une troublante proposition de son voisin.
Pourquoi il faut le voir : Distingué l’an passé au Festival de San Sebastian, Un amor est le nouveau film de la réalisatrice de Ma vie sans moi et Carte des sons de Tokyo. En piétinant les codes et les attentes du conte de fées romantique (une citadine stressée s’installe à la campagne et rencontre un voisin séducteur), la cinéaste espagnole exaltée Isabel Coixet signe son film au style le plus sobre et le plus direct depuis longtemps, mais parvient à conserver son sens du romanesque joliment tordu.
• Miséricorde, Alain Guiraudie (16 octobre)
L’histoire : Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue…
Pourquoi il faut le voir : Sélectionné au Festival de Cannes, Miséricorde se hisse au niveau des tout meilleurs longs métrages d’Alain Guiraudie. Il règne chez Guiraudie, dans ses autres films comme dans celui-ci, un délicieux mauvais esprit, un sens bien à lui de l’utopie, et un désir galvanisant d’écrire ses propres règles – face à la loi, face à Dieu, face à ses propres désirs. Ce suspens psychologique se sort avec maestria de toutes ses ruptures, tout en livrant un récit à l’irrésistible efficacité. Sa distribution, de Félix Kysyl à Catherine Frot, est parfaite.
• Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, Emanuel Parvu (23 octobre)
L’histoire : Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.
Pourquoi il faut le voir : Lauréat de la Queer Palm au dernier Festival de Cannes, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde est un drame brillant, à la fois tendu et lumineux. Réalisé par le Roumain Emanuel Parvu (lire notre entretien), ce suspens solide et efficace est une parabole qui utilise l’homophobie comme métaphore d’une société conservatrice prête à torturer ses propres enfants au nom de la tradition. Une formule intelligente qui peut d’ailleurs rappeler un autre film queer récent signé d’un cinéaste hétéro : Burning Days, du Turc Emin Alper.
• La Déposition, Claudia Marschal (23 octobre)
L’histoire : 1993. Emmanuel croit trouver un refuge auprès de Hubert, le curé de son village en Alsace. Mais un après-midi pluvieux, Emmanuel ressort du presbytère après avoir juré de ne jamais raconter ce qui s’y est passé. Trente ans plus tard, Emmanuel se souvient de ce jour. À la gendarmerie, il active discrètement l’enregistreur de son téléphone et commence sa déposition.
Pourquoi il faut le voir : Dévoilé au Festival de Locarno, La Déposition est un documentaire sur un homme d’une quarantaine d’années, témoignant de l’agression sexuelle que lui a fait subir un prêtre dans son enfance. Le film pose des questions fondamentales sur les différentes répercutions d’une telle épreuve, et met en scène la parole avec finesse et intelligence. A travers son protagoniste, Claudia Marschal (lire notre entretien) raconte la peur, la honte, le regard des autres, le choc traumatique, la pression sociale dans un village – et comment tout cela influe sur la décision de parler, ou de ne rien dire.
• What a Fantastic Machine !, Axel Danielson & Maximilien Van Aertryck (23 octobre)
L’histoire : Que se passe-t-il lorsque l’humanité – qui s’est récemment entichée d’elle-même – rencontre un marché libre et débridé de 45 milliards de caméras… De la première caméra à aujourd’hui, les cinéastes anthropologues visuels élargissent leur objectif pour exposer l’obsession de l’humanité pour l’image et ses conséquences sociales.
Pourquoi il faut le voir : Très remarqué en festivals (de Sundance à la Berlinale en passant par le circuit des manifestations documentaires) What a Fantastic Machine ! est un kaléidoscope d’images ni dupe ni superficiel entre purs divertissements, filtres narcissiques, journaux télés aux montages racoleurs et images de propagande politique (où Macron est d’ailleurs inclus parmi les dictateurs). Ce que révèle cet ensemble hypnotisant, c’est justement la manipulation de notre temps de cerveau disponible. Produit par Ruben Östlund, ce documentaire possède une énergie grisante à laquelle il est difficile de résister.
• Chroniques chinoises, Lou Ye (23 octobre)
L’histoire : Janvier 2020. Une équipe de tournage se réunit dans un hôtel près de Wuhan pour reprendre la production d’un film interrompu dix ans plus tôt. Mais un événement inattendu vient à nouveau contrarier les préparatifs et l’équipe est confinée avec leurs écrans comme seul contact avec le monde extérieur.
Pourquoi il faut le voir : Chroniques chinoises débute comme une vertigineuse mise en abyme, avec ce personnage de cinéaste qui doit, malgré lui, prendre en compte les risques de la censure sur son œuvre. Cela rappelle évidemment le sort de Lou Ye, sanctionné par les autorités chinoises après Summer Palace et dont la version internationale du plus récent The Shadow Play a subi de multiples remontages. Suite à un événement, le film se déploie à plus large échelle et examine de manière émouvante les forces auxquelles un tournage est soumis.
• Tótem, Lila Aviles (30 octobre)
L’histoire : Sol, une fillette de sept ans, est emportée dans un tourbillon de préparatifs menés tambour battant par ses tantes, pour l’anniversaire de son père Tona. Au fil d’une journée dont le point d’orgue est un événement aussi redouté qu’attendu, Sol comprend peu à peu la gravité de cette célébration.
Pourquoi il faut le voir : Révélée avec son remarquable premier long métrage, La Camarista, la Mexicaine Lila Avilés (lire notre entretien) a ensuite été très remarquée à la Berlinale avec ce nouveau film. Tótem est une comédie dramatique poignante sur une famille qui prépare l’anniversaire d’un de ses jeunes membres – et qui est également une cérémonie d’adieu. Vue à travers les yeux d’une fillette, cette fête des morts débordant de vie confirme le grand talent de la réalisatrice dont la fluidité virtuose de l’écriture nous emporte et nous bouleverse.
• Anora, Sean Baker (30 octobre)
L’histoire : Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage…
Pourquoi il faut le voir : Palme d’or au Festival de Cannes, Anora est le nouveau film de Sean Baker après notamment le bâton de dynamite Tangerine et l’émouvant The Florida Project. Outre un scénario généreux en situations jubilatoires, le film peut compter sur une qualité de taille (elle aussi habituelle chez Baker) : un casting en or. Toutes et tous sont pour beaucoup dans la double réussite d’Anora : être à la fois hilarant et touchant, sans que l’un n’empêche l’autre.
• Flow, Gints Zilbalodis (30 octobre)
L’histoire : Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l’eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux.
Pourquoi il faut le voir : Zéro dialogue, zéro humain et juste un chat parcourant la nature : sous des apparences minimalistes, ce film d’animation déploie une ambition poétique renversante. A la croisée de Miyazaki et des jeux vidéos d’exploration à la première personne, ce conte philosophique réussit à s’adresser aux publics de tout âge. Il confirme le talent de son auteur, le Letton Gints Zilbalodis (lire notre entretien), déjà remarqué avec son premier film d’animation Ailleurs.
Nicolas Bardot & Gregory Coutaut
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