Critique : Tótem

Sol, sept ans, passe la journée dans la grande maison de famille où se prépare une fête pour son père. Alors que les invités arrivent, une atmosphère étrange et chaotique s’installe, brisant les liens qui unissent chacun. Sol comprend peu à peu que son monde est sur le point de changer radicalement.

Tótem
Mexique, 2023
De Lila Avilés

Durée : 1h35

Sortie : 31/01/2024

Note :

LA MAISON AUX ESPRITS

La réalisatrice mexicaine Lila Avilés (lire notre entretien) avait été très remarquée il y a cinq ans avec son premier long métrage, La Camarista, un brillant puzzle se déroulant intégralement dans les coulisses d’un hôtel de luxe. Dans son second film, présenté aujourd’hui en compétition à La Berlinale, il est à nouveau question d’un lieu unique et de tout ce qui peut se cacher dans ses interstices. Les suites vides et lumineuses du palace ont cependant laissé place à une maisonnée plongée dans le chaos bouillonnant d’une fête de famille. Tous les proches de la petite Sol s’apprêtent en effet à se réunir chez elle pour fêter l’anniversaire de son père. A moins qu’il y ait autre chose qu’on n’ait omis d’expliquer à la fillette ?

Dans ce film mené à cent à l’heure, on n’a pas vraiment le temps de s’attarder sur cet éventuel secret caché dans la chambre paternelle, tout comme les adultes n’ont pas le temps de répondre aux questions de Sol, qui n’est pourtant pas dupe. La grande réception aura lieu dans quelques heures et rien n’est prêt mais cousins et amis déboulent déjà, quitte à vite remplir à ras bord la moindre image (le format presque carré choisi par Avilés est très judicieux).

On a à peine le temps de compter le nombre de vivants dans le cadre qu’une impayable chamane prévient au passage que le foyer est aussi rempli d’esprits. L’idée que la frontière entre morts et vivants puissent être plus fine que prévue est accueillie avec une indifférence amusée et tout le monde a autre chose en tête. Pourtant, en arrière-plans, les animaux domestiques mignons (chat, perroquet) laissent peu à peu place à des insectes de mauvais augure.

L’unique absent à l’image, c’est justement la seule personne que Sol voudrait voir : son papa, cloué au lit par une maladie qui n’est pas nommée. Feignant d’ignorer son absence, chacun s’agite à sa manière avec un zèle qui masque mal une inquiétude grandissante. Fête des morts débordant de vie, Tótem peut se lire comme un catalogue de tout ce qui permet aux humains de s’accommoder de l’approche de la mort : déni ou philosophie, mais aussi superstition, religion et sorcellerie. Il est d’ailleurs difficile de penser à un film portant mieux son nom : comme une formule magique, ces cinq lettres suffisent à évoquer le rassemblent, le rituel, la magie et la spiritualité. Quel tour de force que de parvenir à évoquer tout cela avec telle fluidité d’écriture. Sans jamais cesser de ressembler à un comédie dramatique accessible, Tótem nous emporte comme un souffle jusqu’à un bouleversant final.

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par Gregory Coutaut

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