Festival des 3 Continents 2018 : le bilan

La 40e édition du Festival des 3 Continents s’est achevée mardi soir. Le festival était à suivre en direct sur Le Polyester.

L’Asie du sud-est s’est taillé la part du lion dans la compétition. D’abord en nombre avec un film thaïlandais, un film indonésien, un film singapourien et un film chinois se déroulant… en Malaisie parmi les neuf longs métrages retenus. Ensuite en qualité : les premiers longs Manta Ray de Phuttiphong Aroonpheng et Three Adventures of Brooke de Yuan Qing ainsi que le second long métrage A Land Imagined de Yeo Siew Hua nous ont semblé dominer la compétition de la tête et des épaules. Trois propositions originales, déroutantes et modernes qui ouvrent des perspectives. Des trois, seul Three Adventures of Brooke n’a pas encore de distributeur en France – on espère que cela sera bientôt corrigé.

Le trésor de cette édition anniversaire était certainement sa rétrospective Taipei Stories, qui est revenue en une douzaine de films sur différentes périodes de l’histoire du cinéma taïwanais. C’était l’occasion de voir des raretés, à l’image du drame I Didn’t Dare to Tell You qui a longtemps été perdu (et qui a d’ailleurs été présenté avec une bobine manquante). C’était aussi le moment pour découvrir des merveilles telle que le méli-mélo The Young Ones de Lee Hsing, qui raconte l’histoire gorgée de couleurs d’un étudiant tombant amoureux d’une jeune fille très souffrante et à qui toute émotion forte peut être fatale. Ça pourrait être un pitch de slapstick, cela autorise ici tous les délicieux débordements du mélo. Autre mélo merveilleux mais dans un tout autre registre, Kuei-Mei, a Woman de Chang Yi, film formidable d’une beauté classique qui raconte une trentaine d’années de la vie familiale d’une mère-courage mal mariée à un boulet à Taiwan. Le genre de beau film qu’on s’étonne de ne pas connaître depuis des années. Merci aux 3 Continents !

Outre ces pépites, des films de réalisateurs plus familiers comme Edward Yang, Hou Hsiao-Hsien et Tsai Ming-Liang étaient programmés. Tsai était sur place pour accompagner son dernier film présenté en première française, Your Face, et pour donner une très riche masterclass. « Je m’oppose à l’idée qu’un cinéaste doit savoir raconter une histoire. Il doit juste savoir filmer, et c’est différent », a déclaré le réalisateur de The Hole, de La Saveur de la pastèque et des Chiens errants. Et d’ajouter : « C’est une très mauvaise habitude des spectateurs que de vouloir tout comprendre et tout savoir. C’est comme ça que les films perdent leur mystère. Comprendre quelqu’un ce n’est pas forcément le meilleur moyen de l’aimer, au contraire ».

Le programme 40 films proposait un ambitieux état des lieux du cinéma contemporain. Outre les œuvres-clefs (A l’ouest des rails de Wang Bing, Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) d’Apichatpong Weerasethakul, Kaili Blues de Bi Gan, Eureka de Shinji Aoyama, Cure de Kiyoshi Kurosawa, Norte de Lav Diaz, Millennium Mambo de Hou Hsiao-Hsien ou le récent Zama de Lucrecia Martel), le public nantais a pu découvrir le monumental An Elephant Sitting Still de Hu Bo. Cette œuvre posthume sortira le 9 janvier dans les salles françaises et on vous invite chaudement à ne pas la manquer.

Retrouvez ci-dessous notre couverture du festival.

Nos entretiens

• « Je voulais qu’on entre dans le film comme on déambule dans un musée. Et qu’on trouve son propre chemin sans dialogues » | Notre entretien avec Phuttiphong Aroonpheng, réalisateur de Manta Ray

• « Rohmer ne m’a pas uniquement appris à faire un film, il m’a également appris comment vivre ma vie » | Notre entretien avec Yuan Qing, réalisatrice de Three Adventures of Brooke

• « Il était intéressant de souligner la beauté d’un lieu qui n’est pas traditionnellement considéré comme beau » | Notre entretien avec André Novais Oliveira, réalisateur de Temporada

• « Ne jamais céder au désespoir malgré les difficultés énormes » | Notre entretien avec Stéphanie Régnier, réalisatrice de Kelly

• « Qu’advient-il du cinéma ? » | Notre entretien avec Jérôme Baron, directeur artistique du festival

Nos critiques – compétition

A Land Imagined | Yeo Siew Hua

Faust | Andrea Bussmann

José | Cheng Li

Manta Ray | Phuttiphong Aroonpheng