Berlinale | Entretien avec Wenqian Zhang

Dans son court métrage Remains of the Hot Day, la Chinoise Wenqian Zhang raconte quelques instants apparemment anecdotiques, dans une famille chinoise, à la fin des années 90. Avec subtilité, les liens familiaux et les sentiments des uns envers les autres sont suggérés, à travers une mise en scène sensorielle qui saisit ce qu’il y a d’invisible dans l’atmosphère et les murs de cette maison. Remains of the Hot Day est en compétition cette semaine à la Berlinale. Wenqian Zhang est notre invitée.


Quel a été le point de départ de Remains of the Hot Day ?

Pendant le tournage de mon long métrage documentaire A Long Journey Home, j’ai eu l’occasion d’explorer des questions qui me préoccupaient, comme la raison pour laquelle les membres d’une famille sont toujours en conflit, pourquoi la Chine se trouve désormais dans une situation différente et commence à se positionner autrement vis-à-vis du monde extérieur… Avec ces questions à l’esprit, j’écoutais les conversations et les réflexions des membres de ma famille, principalement de ma grand-mère, qui m’a parlé d’un moment comparable à celui qu’on voit dans le film, dans la Chine des années 90, à la maison. C’est ce qui m’a inspirée ce court métrage.



Le décor semble jouer un rôle important dans votre film : le cadrage des personnages dans la maison, votre souci du détail, des objets décoratifs… Pouvez-vous nous parler de votre utilisation de ce décor ?

Les images et les sons qu’on a en mémoire sont toujours incomplets et flous, et c’est ce sentiment-là qui m’a guidée pour concevoir le court métrage. Toute chose est liée à un espace ou un signe qui la définit, comme un enfant assis avec ses jouets sur un sol aux carreaux sombres, différents styles de chaussures sur des étagères, un corps avec des ecchymoses, des aquariums, les armoires remplies d’objets, une pièce exquise faite pour les mariages, etc. Il en va de même pour les insaisissables relations entre les gens qui partagent le même espace à la maison… Tout cela vient de la mémoire elle-même, de la reconstruction des souvenirs familiaux, des photos du passé, et aussi de quelques faits historiques. En les examinant à nouveau et en y réfléchissant, ma co-scénariste Yue Huang et moi-même avons projeté notre propre réflexion sur ce décors et ces détails ; c’est ainsi que nous avons construit les scènes et l’intrigue du court métrage.



Comment avez-vous abordé le style visuel d’un film aussi atmosphérique avec Yunlai Dai qui signe ici la photographie ?

Nous avons eu une discussion préalable au tournage pour décider de l’état d’esprit que nous recherchions. Yunlai a lu le scénario et a donné ses idées. J’ai également fourni des références basées sur mes idées. L’aspect le plus crucial a été les répétitions menées avec les actrices et acteurs avant le tournage. Nous avons utilisé le peu de temps qu’on avait pour les aider à se familiariser les uns avec les autres. Nous nous asseyions et mangions ensemble, nous laissions le jeune couple avoir son propre espace dans la chambre et laissions les enfants jouer. Puis, nous avons utilisé la caméra pour observer les personnages. Parfois, nous avions des opinions différentes, mais au final, les matériaux capturés ont guidé la façon de filmer.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

J’ai regardé plusieurs fois les films de Lucrecia Martel et Lynne Ramsay avant de faire le court métrage, et j’ai adoré leur approche et leur perception. Les films du réalisateur hongkongais Wong Kar-wai et leur façon de traiter le temps m’ont aussi influencée. En ce qui concerne la recherche de la réalité, j’admire aussi les films du réalisateur taïwanais Hou Hsiao-hsien, qui sont d’une puissance profonde et éternelle.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

La plupart du temps, j’ai plutôt tendance à regarder des films plus anciens. Même quand certains films m’ont laissé de vagues impressions, les revoir au fil du temps m’apporte des sensations neuves. Ce sont parfois des films qui m’offrent comme un sentiment d’anticipation, avec un esprit d’expérimentation et un pouvoir subversion. Par exemple, je peux être émue par les films de Maurice Pialat, de Rainer Werner Fassbinder, ainsi que le film commerciaux à petit budget du réalisateur hongkongais Johnnie To, dont la vitalité parle au public.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 12 février 2024.

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