Festival de Sundance | Critique : The Stroll

L’histoire du quartier du Meatpacking District de New York, racontée du point de vue des travailleuses du sexe trans qui y ont vécu et travaillé.

The Stroll
Etats-Unis, 2023
De Kristen Lovell et Zackary Drucker

Durée : 1h24

Sortie : –

Note :

SECRETS D’HISTOIRE

En anglais, le mot stroll signifie promenade, mais c’est aussi un mort d’argot par lequel les travailleurs et travailleuses du sexe désignent le périmètre des rues arpentées pour gagner leur vie. La ville de New York comptait autrefois un stroll par quartier, et le plus important était celui de Manhattan, situé dans le Meatpacking District, et il était exclusivement dédié aux prostituées trans ou queer. C’est à ce coin de bitume à la géographie restreinte (quelque part entre Christopher Street, les quais de l’Hudson et la 14e rue) mais à l’histoire très riche que la cinéaste trans Kristen Lovell consacre ce documentaire.

The Stroll est le premier film des cinéastes trans Kristen Lovell et Zackary Drucker (par ailleurs excellente interprète dans l’inédit Framing Agnes), mais ce n’est pas leur première expérience à l’image. Comme Lovell le raconte ici à la première personne, plusieurs réalisateurs ont déjà souhaité faire le portrait de ce quartier et elle est déjà apparue dans ces derniers, à l’époque en tant que prostituée. Des années plus tard, la frustration face au manque d’authenticité de ces films la pousse à prendre elle-même la caméra pour donner la paroles à celles qui ont vécu l’avant, le pendant et l’après de ce quartier aujourd’hui disparu. « Notre histoire ne sera jamais aussi bien racontée que si c’est nous la disons », annonce-t-elle en introduction.

Lowell questionne ses interlocutrices avec la bienveillance d’une vieille copine, qui se reflète en retour dans la chaleur des confessions qu’elle recueille. Ces récits tantôt poignants ou hilarants sont entrecoupés de documents d’époque : journaux télés, coupures de presse ou encore une improbable parodie de reportage menée par RuPaul encore toute jeune et maladroite. D’autres images, tournées à l’époque actuelle, voient les prostituées de l’époque revenir pour la première fois dans ces rues, mi-amusées des anecdotes sexy qui leur reviennent en mémoire, mi-terrassées de ne rien reconnaitre sur ces trottoirs métamorphosés par la gentrification.

The Stroll raconte en réalité une double histoire : celle de la ville de New York au fil des décennies, des différents maires conservateurs aux conséquences du 11 septembre, puis une histoire des droits des personnes trans aux Etats-Unis, et rappelle que les deux sont davantage liés qu’il n’y parait. La présence de Sylvia Rivera dans certaines archives vient en effet remettre les pendules à l’heure : les prostituées trans newyorkaise ont été à l’avant-poste du militantisme queer, sans recevoir en retour la reconnaissance qui leur est due. Elles mériterait des statues, mais leur champ de bataille n’existe même plus. Ce constat amer, The Stroll le transforme en un cours d’histoire chaleureux, au final galvanisant.

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The Stroll
Etats-Unis, 2023
De Kristen Lovell et Zackary Drucker

Durée : 1h24

Sortie : –

Note :

SECRETS D’HISTOIRE

En anglais, le mot stroll signifie promenade, mais c’est aussi un mort d’argot par lequel les travailleurs et travailleuses du sexe désignent le périmètre des rues arpentées pour gagner leur vie. La ville de New York comptait autrefois un stroll par quartier, et le plus important était celui de Manhattan, situé dans le Meatpacking District, et il était exclusivement dédié aux prostituées trans ou queer. C’est à ce coin de bitume à la géographie restreinte (quelque part entre Christopher Street, les quais de l’Hudson et la 14e rue) mais à l’histoire très riche que la cinéaste trans Kristen Lovell consacre ce documentaire.

The Stroll est le premier film des rélisatrices Kristen Lovelle et Zachary, mais ce n’est pas sa première expérience à l’image. Comme elle le raconte ici à la première personne, plusieurs réalisateurs ont déjà souhaité faire le portrait de ce quartier et Lovell est déjà apparue dans ces derniers, à l’époque en tant que prostituée. Des années plus tard, la frustration face au manque d’authenticité de ces films la pousse à prendre elle-même la caméra pour donner la paroles à celles qui ont vécu l’avant, le pendant et l’après de ce quartier aujourd’hui disparu. « Notre histoire ne sera jamais aussi bien racontée que si c’est nous la disons », annonce-t-elle en introduction.

Lowell questionne ses interlocutrices avec la bienveillance d’une vieille copine, qui se reflète en retour dans la chaleur des confessions qu’elle recueille. Ces récits tantôt poignants ou hilarants sont entrecoupés de documents d’époque : journaux télés, coupures de presse ou encore une improbable parodie de reportage menée par RuPaul encore toute jeune et maladroite. D’autres images, tournées à l’époque actuelle, voient les prostituées de l’époque revenir pour la première fois dans ces rues, mi-amusées des anecdotes sexy qui leur reviennent en mémoire, mi-terrassées de ne rien reconnaitre sur ces trottoirs métamorphosés par la gentrification.

The Stroll raconte en réalité une double histoire : celle de la ville de New York au fil des décennies, des différents maires conservateurs aux conséquences du 11 septembre, puis une histoire des droits des personnes trans aux Etats-Unis, et rappelle que les deux sont davantage liés qu’il n’y parait. La présence de Sylvia Rivera dans certaines archives vient en effet remettre les pendules à l’heure : les prostituées trans newyorkaise ont été à l’avant-poste du militantisme queer, sans recevoir en retour la reconnaissance qui leur est due. Elles mériterait des statues, mais leur champ de bataille n’existe même plus. Ce constat amer, The Stroll le transforme en un cours d’histoire chaleureux, au final galvanisant.

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par Gregory Coutaut

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