Festival Chéries-Chéris | Critique : Framing Agnes

Agnes, femme trans pionnière ayant participé aux recherches sur le genre à l’université de Californie dans les années 1960, a longtemps servi de figure de proue pour l’histoire trans. Framing Agnes s’efforce d’élargir le cadre pour capturer une multiplicité d’expériences et de vies trans éclipsées par celle d’Agnes.

Framing Agnes
Canada, 2022
De Chase Joynt

Durée : 1h15

Sortie : –

Note :

NOS VIES SECRÈTES

Framing Agnes possède un titre à double sens : to frame c’est à la fois donner un cadre à quelque chose au sens propre, mais aussi le définir. Un cadre peut enfermer (le verbe signifie également piéger) comme s’élargir jusqu’à révéler une profondeur inattendue. Le documentaire Framing Agnes (doublement primé à Sundance) s’intéresse à une femme trans souvent citée dans l’Histoire des personnes trans aux États-Unis, bien qu’elle ne soit connue que sous son pseudonyme : Agnes. De par sa participation documentée aux recherches de l’Université de Californie sur les questions de genre dans les années 60, celle-ci a souvent servi d’unique exemple de personne trans de son époque, quitte à involontairement perpétuer le cliché que les personnes trans sont forcément très isolées. Pour mieux tordre le cou à cette idée, le cinéaste Chase Joynt élargit le cadre en incluant les histoires d’autres hommes et femmes trans de l’époque, restés dans l’ombre d’Agnes.

Framing Agnes utilise pour cela une forme bien particulière, reconstituant devant la caméra des entretiens donnés par Agnes et les autres. Dans un décor minimaliste filmé en noir et blanc comme si l’on assistait à un talk show de l’époque, hommes et femmes répondent sans se démonter aux questions d’un homme dont on ignore s’il s’agit exactement d’un médecin, d’un professeur d’université ou d’un présentateur télé. Cet homme est interprété par le réalisateur (lui-même trans), tandis que les interviewé.e.s sont joué.e.s par des acteurs et actrice d’aujourd’hui, tous trans également. Dans ce groupe, Zackary Drucker est d’ailleurs particulièrement charismatique dans le rôle d’Agnes.

Framing Agnes offre deux films en un puisque ces scènes sont entrecoupées d’autres entretiens (en couleur cette fois) où le réalisateur et les comédiens échangent sur ce qu’ils ont appris des personnes qu’ils viennent d’interpréter. Ces scènes-là sont redondantes. Ces propos-là ne sont pas inintéressants, mais n’ont pas l’acuité percutante de ceux de leurs ainé.e.s qui s’exprimaient dans un contexte plus hostile. Ces entretiens d’origine sont passionnants car à travers leur artifice assumé de mise en scène, ils sont riches de révélations, mettant en lumière des personnes particulièrement articulées, à l’intelligence galvanisante, appartenant à des communautés dont on ignorait qu’elles existaient déjà en tant que telles à l’époque. Il y a certes beaucoup à entendre et à apprendre ici,et avec plaisir, mais Framing Agnes n’avait pas besoin d’accompagner sa démarche d’une telle note d’intention qui l’alourdit au passage. Le film y gagne en accessibilité, mais y perd en finesse.

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par Gregory Coutaut

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