Berlinale | Critique : The Cage is Looking for a Bird

Dans un petit village tchétchène, Yaha passe ses journées avec Madina, dont elle est très proche. Les deux filles rêvent de quitter leur foyer après leur diplôme et de s’échapper dans le monde réel, loin de leur village. Heda, la grande sœur de Yaha, rêve aussi d’être libre, mais le prix à payer est très élevé : si elle décide de demander le divorce, son fils unique lui sera enlevé car telles sont les traditions de sa culture. Yaha, Madina et Heda réussiront-elles à se libérer ? Et à quel prix ?

The Cage is Looking for a Bird
Russie, 2023
De Malika Musaeva

Durée : 1h27

Sortie : –

Note :

AILLEURS SI J’Y SUIS

The Cage is Looking for Bird (quel titre remarquable) est le premier long métrage de Malika Musaeva, jeune réalisatrice tchétchène ayant fui son pays à la fin des années 90. Ce récit d’apprentissage dramatique se déroule d’ailleurs dans un village de Tchétchénie et raconte justement l’histoire de Yakha, adolescente qui cherche à partir vers de nouveaux horizons. Qu’est-ce qu’elle et les autres filles de son âge cherchent à fuir ? Musaeva fait le choix de ne pas donner de réponses précises. La présence furtive de chars blindés peut évoquer la guerre, mais il pourrait tout aussi bien s’agir du poids des traditions ou du patriarcat si puissant qu’il parvient à laver le cerveau de certaines femmes bien décidée à empêcher Yakha d’accéder à un rêve dont elles ont été privées.

A moins qu’il ne s’agisse juste d’un ennui mortel ? Car en guise d’horizon, ce village n’a pas grand chose à mettre sous la dent quand on est une jeune femme avide de la liberté qu’on mérite. Quand on fait un tour en voiture, que ce soit avec les dragueurs du coin ou avec des prétendus passeurs, on a toute les chances de tourner en rond et revenir au point de départ. Le film s’ouvre sur un éclat de rire féminin, mais l’image laisse immédiatement place à des flammes féroces. La métaphore est lisible, et à force de vouloir évoquer plutôt que clairement expliquer, il est vrai que la délicatesse des non-dits scénaristiques de The Cage is Looking finit par faire un certain sur-place également.

Comme la majorité des autres cinéastes formés à l’école d’Alexandre Sokourov et produits par le cinéaste lui-même (Kantemir Balagov, Alexander Zolotukhin…) Malika Musaeva fait en revanche preuve d’un talent pictural plus que prometteur. Par ses choix esthétiques singuliers (notamment un travail rare sur la profondeur de champ), elle parvient à traduire visuellement le va-et-vient entre élan de liberté et oppression qui agite Yakha. Terrain de jeux pour enfants, les grandes étendues de verdure qu’elle filme ici dans une superbe lumière automnale délavée sont prisonnières d’une image au format carré étonnant, dont les bords arrondis ne masquent pas la dimension carcérale. Ces paysages ont beau être accueillants, ils sont enfermés entre les œillères que le monde impose à l’héroïne.

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par Gregory Coutaut

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