Festival de Rotterdam | Critique : Steppenwolf

Une guerre civile fait rage dans un vaste paysage apparemment inhabité. Alors que les hommes se battent et meurent, une femme muette part à la recherche de son fils qui a été kidnappé par des trafiquants d’organes. Elle est accompagnée du « Loup des steppes », un ex-détenu repenti devenu un enquêteur impitoyable.

Steppenwolf
Kazakhstan, 2024
De Adilkhan Yerzhanov

Durée : 1h42

Sortie : –

Note :

QUAND TU PENSES A MOI, TOI LE LOUP DES STEPPES

Parmi les cinéastes de renommée internationale, il n’y a peut-être que la Coréen Hong Sangsoo qui tourne autant que le Kazakhstanais Adilkhan Yerzhanov. Avec Steppenwolf, son nouveau long métrage présenté en première mondiale au Festival de Rotterdam, Yerzhanov signe en effet son septième film sur ces cinq dernières années. Le cinéaste compose, film après film, une œuvre cohérente dont les différents récits semblent se dérouler sous un même ciel. Jusqu’à l’autocitation : Steppenwolf s’ouvre par un plan d’un homme avec un sac sur la tête, rappelant une image marquante dans A Dark Dark Man réalisé en 2019.

Le cinéma de Yerzhanov est néanmoins suffisamment généreux pour ne pas donner une impression de redite. Dans la veine violente de ses récents Ulbolsyn et Assaut, Steppenwolf dépeint un monde apocalyptique dans lequel règne une cruelle brutalité. Des émeutes ont lieu dans un décor proche du western tandis qu’un plan cite de manière assez évidente La Prisonnière du désert. Si le long métrage cite également Le Loup des steppes d’Hermann Hesse, le double parcours initiatique narré par le cinéaste n’est pas vraiment identique au roman. Steppenwolf dépeint l’alliance forcée entre un homme bas du front et brute épaisse, avec une femme fragile en situation de handicap. Un duo improbable, mais qui ensemble va avancer comme un rouleau compresseur traversant le chaos.

On retrouve dans le film ce décalage de tons propre au cinéma de Yerzhanov, même si les traits d’ironie et de distance nous ont paru plus appuyés ici, notamment autour de son personnage principal masculin. De balles perdues en découvertes macabres, le cinéaste parvient à composer un décor à la fois profondément sombre et soumis à l’aléatoire, offrant des respirations imprévues comme souvent dans ses films. Le découpage et la chorégraphie de ce no man’s land brumeux sont remarquables et le réalisateur confirme sa maestria formelle. Du matin gris à la nuit noire éclairée par des feux dramatiques, Steppenwolf raconte le mal inévitable et le bien nécessaire avec un indéniable talent de mise en scène.

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par Nicolas Bardot

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