Festival de Locarno | Critique : Serviam – I Will Serve

Dans un pensionnat catholique réservé aux filles, près de Vienne, pour la riche élite autrichienne. La foi décline, l’établissement se dépeuple peu à peu. La directrice de l’institution, une jeune religieuse énergique, lutte avec ardeur contre ce déclin. Marthe, 12 ans, l’une des élèves préférées de la religieuse, est une fille dévouée qui souhaite expier les péchés du monde…

Serviam – I Will Serve
Autriche, 2022
De Ruth Mader

Durée : 1h46

Sortie : –

Note :

L’ÉCOLE EMPORTÉE

Struggle (présenté à Cannes en 2003), Life Guidance et aujourd’hui Serviam – I Will Serve : les titres des films de la cinéaste Ruth Mader ressemblent presque à des slogans pour un certain type ce cinéma autrichien expert en auscultation d’un inconscient collectif traumatisé. Serviam se déroule dans un lieu idéal pour partir à la pêche au refoulé : dans un pensionnat catholique pour filles de bonnes famille, dirigé par jeune religieuse au zèle sévère (la charismatique Maria Dragus, dont on a déjà vu la mâchoire serrée dans plus d’un projet malicieux, du Ruban blanc à R.M.N.). La métaphore de cette crise de foi est lisible, mais elle n’en demeure pas moins prometteuse. A tel point qu’on peut s’étonner que le film de pensionnat de jeunes filles, sous-genre horrifique classique, ne se rencontre pas davantage dans le cinéma autrichien expert en cruauté.

Ce pensionnat-là ne sort ni du gothique anglo-saxon ni du giallo italien. Le bâtiment en lui-même, particulièrement mis en valeur par une photo soignée, par des couleurs joliment délavées et par une symétrie de rigueur, ressemble beaucoup moins à une église qu’à une école maternelle sortie des années 70. Il faut ici souligner le soin apporté au décor, à la fois inoffensif dans sa familiarité et étrangement incongru dans sa manière de ne pas appartenir au monde d’aujourd’hui. Le fait que la peluche d’une des héroïnes soit un Luxi, ces chenilles lumineuses ringardes, est à la fois amusant et tordu à souhait. Ruth Mader sait filmer, installer un climat de tension et faire naitre les fantasmes du genre rien que par son sens esthétique.

Dans Serviam – I Will Serve, l’horreur sectaire est à la porte, dans un hors-champ sans cesse annoncé par une musique de suspens. De fait, on se demande bien qu’est-ce qui se trouve derrière ces portes mystérieusement fermées, mais Mader remet toujours leur ouverture à plus tard. Serviam ne possède pas toujours le bon rythme pour trouver son équilibre idéal entre drame réaliste et fable fantastique, et l’on reste trop longtemps au bord d’une révélation qui n’arrive jamais vraiment. Si la dimension horrifique pèche par une retenue frustrante, c’est pourtant cette dernière qui apporte finalement au film son ton particulier. Une étrangeté sèche qui rappelle moins les chocs d’Ulrich Seidl et Veronika Franz que les étonnants premiers films de Jessica Hausner.

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par Gregory Coutaut

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