Critique : MMXX

Plusieurs portraits, quatre récits, quatre courts moments dans le temps, la poursuite d’un groupe d’âmes errantes coincées au carrefour de l’Histoire.

MMXX
Roumanie, 2023
De Cristi Puiu

Durée : 2h40

Sortie : 01/11/2023

Note :

KO

Dévoilé en séance spéciale lors d’une première semi-officielle au Festival de Cluj où nous l’avons découvert au mois de juin, MMXX est depuis resté sous cloche et fait sa vraie première mondiale trois mois plus tard en compétition au Festival de San Sebastian. Voilà un parcours plutôt atypique pour un cinéaste qui a habituellement les honneurs des plus grands festivals comme Cannes ou la Berlinale. Cela peut peut-être s’expliquer par le fait que MMXX est un film particulièrement difficile à attraper et à circonscrire – plus encore que ses précédents longs métrages. Cette singularité devrait constituer une excitante qualité ; las, MMXX nous a semblé être un pénible ratage.

MMXX est divisé en quatre segments reliés entre eux de manière assez opaque. La première partie est la plus facilement séduisante : c’est une étrange comédie absurde en forme de psychothérapie filmée en plan fixe et sans coupe. Les segments se succèdent et changent de registre, les anecdotes futiles (à la recette de la soupe dans Sieranevada succèdent ici des considérations sur le baba au rhum) se mêlent aux sujets les plus sérieux (après les échanges philosophiques de Malmkrog, c’est un portrait sociétal que dessine ce nouveau long métrage). Ces quatre courts sont particulièrement longs, posés là comme des gros blocs dont on peut sentir le poids.

Cette construction est à la fois raide (par son aspect répétitif et figé) et bancale (ces différentes parties ne nous ont pas semblé parler entre elles). L’utilisation du temps est habituellement une remarquable qualité chez Cristi Puiu : qu’il s’agisse de la cacophonie électrique de Sieranevada ou de la lenteur spectrale de Malmkrog, le temps et sa déformation invitent un sentiment d’aliénation ou une tension étrange. Hélas, les secondes n’ont jamais été aussi longues chez le cinéaste que dans ce nouveau film, sans que cela ne produise quoi que ce soit d’autre que de l’autocomplaisance.

Dans un hôpital, dans un appartement ou un manoir, il y a toujours un air de folie qui flotte dans les longs métrages du cinéaste roumain. MMXX reste étonnamment éteint et recroquevillé, sans qu’on ne saisisse vraiment où Puiu souhaite aller. Ces quatre instantanés en temps de Covid (comme le suggère le titre, nous sommes en 2020) correspondent à l’image cliché que l’on peut se faire d’un grand film (son dispositif formel, sa lenteur et sa longueur, sa dimension cryptique, son titre imposant) mais le résultat nous a malheureusement paru rempli d’hélium.

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par Nicolas Bardot

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