Critique : L’Enlèvement

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…

L’Enlèvement
Italie, 2023
De Marco Bellocchio

Durée : 2h15

Sortie : 01/11/2023

Note :

L’INTÉRÊT DE L’ENFANT

A 83 ans, le cinéaste Marco Bellocchio a encore des comptes à régler avec l’Histoire italienne, qu’il continue de décortiquer film après film. L’improbable anecdote dont s’inspire L’Enlèvement a pourtant moins l’air de sortir d’un livre d’Histoire que d’un recueil de contes : baptisé catholique à l’insu de ses parents, un enfant juif se fait kidnapper en pleine nuit par les hommes de Pie IX, le pape-roi aux pleins pouvoirs, qui l’élèvera comme son propre fils jusqu’à l’âge adulte.

La mise en scène très classique de Bellocchio n’est certes pas du tout la même que celle de sa compatriote Alice Rohrwacher, qui explore elle aussi l’Histoire italienne dans son film La Chimère, également présenté en compétition à Cannes. Cette manière de coller aux faits de façon réaliste peut être une manière pour le cinéaste de nous faire regarder la vérité en face, mais cela donne aussi à son film des airs de musée déconnecté quelque peu de la création contemporaine. On sent bien que la colère de Bellocchio face à cette injustice est encore intacte, mais on aimerait bien qu’elle s’exprime autrement que par des grosses musiques d’opéra copiées-collées sur des images sans éclats. L’élan des personnages en révolte n’est pas aussi simplement transmissible que ça.

Il y a pourtant une double piste intéressante lancée par le scénario. D’abord celle, très virulente dans le contexte de la société italienne, d’un parallèle entre l’impunité de l’Eglise et le fonctionnement du fascisme (« je ne suis pas réactionnaire, c’est au contraire le monde qui évolue vers sa ruine » explique Pie IX). Puis, celle du conte. Face à ces enfants jouant innocemment à cache-cache dans ses robes, ce pape-ogre est un personnage de méchant à qui il ne manque plus qu’une chanson et une danse pour sortir d’un Disney. L’interprétation parfois presque humoristique de Paolo Pierobon vient d’ailleurs apporter un petit vent de surprise qui manquait par ailleurs dans cette très sage reconstitution.

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par Gregory Coutaut

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