Festival de Toronto | Critique : Nanny

Aisha, une immigrante sénégalaise sans papiers, décroche un emploi de nounou pour un riche couple de Manhattan. Elle se retrouve manipulée par ce couple et ressent peu à peu une présence surnaturelle à ses côtés.

Nanny
États-Unis, 2021
De Nikyatu Jusu

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

UNE NOUNOU COMME LES AUTRES

Aisha est une maman aimante mais contrariée. Immigrée en attente de régularisation, elle vit seule à Manhattan en attendant de pouvoir enfin payer le billet d’avion qui permettra à son fils de la rejoindre. En attendant, elle essaie tant bien que mal de jouer son rôle de mère au téléphone ou par webcam, et pour gagner de l’argent, elle se retrouve dans la situation paradoxale de devoir éduquer l’enfant de quelqu’un d’autre. Un couple aisé l’engage en effet comme babysitter et professeur de français de leur fillette, et la voilà projetée dans le rôle de mère de substitution, plongée dans une famille blanche où l’argent coule à flot mais où rien n’a l’air de tourner rond.

Premier long métrage de la cinéaste Nikyatu Jusu, Nanny est moins un film d’horreur qu’un drame utilisant des éléments fantastiques et horrifiques. Le film vient d’ailleurs de remporter le grand prix à Sundance, où il était présenté en compétition (et non pas en section Midnight, contrairement aux autres films de genre). Nanny ne suit pas les pistes attendues du film de babysitter, dans le sens où ce n’est ni la nounou, ni l’enfant à garder, ni même la mère qui est la source de l’horreur. A vrai dire, Nanny est plutôt sage en termes de fantastique. Le film évoque la piste de Mami Wata, créature mythologique issue des cultures vaudous d’Afrique de l’ouest, mais concrètement, on nous montre surtout des scènes où Aisha a peur d’un miroir, d’un murmure, de pas grand chose.

Ce qui fait froid dans le dos ici, c’est surtout la rigidité des codes de classe et la rapidité qu’ont les dominants à les maintenir. Nikyatu Jusu fait preuve de finesse dans sa peinture réaliste des microagressions racistes et classistes dont est victime son héroïne. Voilà le véritable monstre. La première rencontre entre Aisha et sa patronne parvient ainsi à transformer une politesse de façade en source de tension. Cette dernière aurait suffi à porter tout le film, or Aisha continue à avoir peur…mais de quoi ?

Quand le film finit par nous répondre, c’est à la manière d’un cheveu abrupt sur la soupe. Nanny utilise des métaphores intéressantes, mais peut-être pas avec autant d’agilité qu’il le faudrait. Quand l’un des personnages vante les vertus du chaos créatif pour se libérer du carcan de l’ordre établi, on se demande pourquoi la réalisatrice n’a pas suivi son propre conseil et opté pour une forme plus adaptée à la pertinence de son propos. La mise en scène de Nanny est trop lisse (c’était hélas un défaut récurrent cette année à Sundance). Cela ne l’empêche pas de demeurer élégant notamment dans son usage des couleurs. Quant à l’actrice Anna Diop, elle tire avec succès son épingle du jeu.

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par Gregory Coutaut

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