Critique : Lost Country

Serbie, 1996, dans le feu des manifestations étudiantes contre le régime de Milošević. Déchiré entre ses convictions et l’amour qu’il porte à sa mère, porte-parole du gouvernement, Stefan, 15 ans, mène sa propre révolution.

Lost Country
Serbie, 2023
De Vladimir Perišić

Durée : 1h38

Sortie : 11/10/2023

Note :

MÈRE PATRIE

Quand on découvre Stefan, 15 ans, au début du film, il est dans les cimes mais pas dans la lune pour autant. Assis au sommet d’un arbre, il a pour ainsi dire le regard déjà tourné vers l’avenir, ce qui ne l’empêche pas d’être très proche de son grand père et de venir l’aider dans son verger. L’absente de cette équation idyllique, c’est la mère de Stefan. Celle-ci a beau se nommer Maklena (un double hommage à Marx et Lénine !), elle travaille à la ville comme porte-parole du régime de Slobodan Milošević. Nous sommes en 1996 et ce denier n’a pas encore été jugé mais la Yougoslavie n’existe déjà plus en tant que telle. Ce « pays perdu » n’est plus qu’un nom brodé sur des vêtement olympiques d’antan.

Le cinéaste serbe Vladimir Perišić revient a la Semaine de la Critique 14 ans après y avoir présenté son premier long métrage Ordinary People. Dans Lost Country, il fait le récit d’apprentissage d’un adolescent qui se retrouve pris entre une nouvelle conscience politique glanée auprès d’amis lycéens progressistes et une loyauté affectueuse envers sa mère qui s’avère ne pas être forcément du bon côté de l’Histoire. Si le film souligne la banalité du mal, il a pourtant la bonne idée de justement ne pas faire de la mère un personnage banal. Affectueuse mais pas niaise, stricte mais pas monstrueuse, Maklena est aussi intrigante que les bijoux et tailleurs tout juste un peu trop guindés qu’elle porte en permanence, en ayant l’air de trouver ça tout à fait normal.

Scènes de révélation chez l’opticien, manifestations ayant lieu pile sous les fenêtres des protagonistes… Lost Country ne craint ni les symboles ni les scènes bien lisibles ; cela pourrait virer à la facilité mais la présence au générique de la brillante cinéaste française Alice Winocour (créditée en tant que coscénariste) vient rééquilibrer le tout. On retrouve en effet ici le talent de cette dernière pour raconter avec une limpidité qui vient paradoxalement mettre en lumière toute l’ambiguïté de la situation. Lost Country est un film accessible, solide, qui résonne intelligemment avec aujourd’hui.

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par Gregory Coutaut

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