Critique : La Jeune fille et les paysans

Au XIXe siècle, dans un village polonais en ébullition, la jeune Jagna, promise à un riche propriétaire terrien, se révolte. Elle prend son destin en main, rejette les traditions et bouleverse l’ordre établi. Commencent alors les saisons de la colère…

La Jeune fille et les paysans
Pologne, 2023
De DK Welchman et Hugh Welchman

Durée  1h54

Sortie : 20/03/2024

Note :

ELLE NE PEUT PAS S’ARRÊTER OHÉ OHÉ

On pourrait présenter La Jeune fille et les paysans comme un film possédant un pied dans le passé et un pied dans le futur proche. D’un côté, le film est l’adaptation d’un classique polonais étudié par tous les élèves du pays, un pavé ayant déjà connu des adaptations en séries fleuves : Les Paysans de Władysław Reymont (Prix Nobel de littérature en 1924). De l’autre, cette adaptation a pour particularité d’avoir été tournée en rotoscopie. Ce procédé d’animation, consistant à d’abord filmer de vrais acteurs pour ensuite redessiner chaque plan en studio, est souvent utilisé dans la fiction ou le documentaire afin de venir déposer un voile de modernité étrange quasi-futuriste, tout en conservant les nuances de jeu des interprètes (c’était particulièrement le cas dans le récent film queer philippin The Missing).

Le duo de cinéaste britannico-polonais formé par DK Welchman et Hugh Welchman, à qui l’on doit déjà La Passion Van Gogh, a poussé l’ambition jusqu’à ici repeindre chaque plan à l’huile en grand format, et le résultat final a nécessité des années de préparation et 100 animateurs-peintres répartis sur plusieurs pays. La méticulosité imposée par un tel procédé aurait déjà de quoi être exigeante sur une succession de plans fixes, or les Welchman n’ont visiblement pas peur de se compliquer la vie puisque La Jeune fille et les paysans possède au contraire plusieurs séquences de mise en scène ambitieuse où la caméra vient régulièrement virevolter dans des angles inattendus. Souvent virtuose, le long métrage n’est pas du tout aussi figé qu’on pourrait le craindre.

Avec ses archétypes familiers où l’innocente se retrouve sacrifiée par des humains corrompus et brutaux, le scénario est en revanche bien plus sage et familier. Cette histoire d’amour secret et de mariage arrangé forcément voué à l’échec parait même si convenue qu’on pourrait de prime abord la croire sortie d’un conte pour enfant. On pourrait alors craindre que toute l’originalité du film réside dans sa forme, mais le récit prend progressivement un relief rugueux bienvenu. Le conte de fées laisse place à quelque chose de plus nerveux et sauvage. De plus immédiatement féministe, aussi : le discours sur la liberté sexuelle des femmes fait preuve d’une certaine modernité pour un roman publié il y a 120 ans.

C’est néanmoins quand les rouages du récit s’efface au second plan que La Jeune fille et les paysans prend véritablement toute son ampleur. L’intrigue est par moment mise sur pause et la caméra s’envole pour capter d’ambitieuses scènes d’action où les dialogues laissent entièrement place à la musique : carnavals, danses jusqu’à l’ivresse, batailles chorégraphiées, colères ou liesses populaires… On a alors l’impression que le film déborde, que les images prennent vie, dansent ou prennent feu devant nos yeux. On aimerait alors que, comme ses protagonistes, le film ne s’arrête jamais de chalouper.

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par Gregory Coutaut

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