Critique : Laissez-moi

Claudine consacre toute sa vie à son fils. Toutefois, chaque mardi, elle s’offre une plage de liberté et se rend dans un hôtel de montagne pour y fréquenter des hommes de passage. Lorsque l’un d’eux décide de prolonger son séjour pour elle, Claudine en voit son quotidien bouleversé et se surprend à rêver à une autre vie.

Laissez-moi
Suisse, 2023
De Maxime Rappaz

Durée : 1h32

Sortie : 20/03/2024

Note :

PETIT PAYSAGE

Claudine est une femme fatale, élégante et mystérieuse derrière ses lunettes noires, fréquentant les salons de thé d’hôtels cossus. Claudine est une couturière banale en tablier et au chignon défait, quittant à peine la maison où elle veille sur son fiston. Il pourrait presque s’agir de deux personnages distincts interprétés par la même actrice, mais Claudine est bel et bien les deux à la fois, ou plutôt les eux en alternance car personne ne soupçonne cette maman sans histoires de quitter son domicile pour aller mener une autre vie quelques jours par mois.

Entre les deux vies de Claudine, il y a une frontière très étanche, un gouffre que seule elle peut franchir au sens propre, en prenant le téléphérique jusqu’au village voisin. Entre les deux villages, entre les deux mondes dans lesquels elle évolue, se trouvent des paysages alpins majestueux et vierges comme une scène de théâtre qui n’attendrait qu’elle. Il s’y trouve aussi un gigantesque barrage, soit un symbole difficile à ignorer. De transactions secrètes en conversations codées, la vie de Claudine obéit à une série de rituels intrigants mais dont le va-et-vient devient répétitif, au point qu’on attend impatiemment une fêlure.

Or, celle-ci ne se présente pas comme prévu. En effet, le récit suit jusqu’au tout dernier acte un fil somme toute bien prévisible, sans doute trop pour traduire tout son potentiel. Le trouble attendu nait moins de l’écriture ou de la mise en scène que de l’interprétation de la brillante Jeanne Balibar. Outre les échos à sa filmographie passée que l’on peut s’amuser à projeter ici et là (La Comédie de l’innocence de Raoul Ruiz, notamment), elle apporte avec succès à son personnage sa propre ambivalence unique : son élégance chic et sa fantaisie, son phrasé tantôt aristocratique et fantasque. Au sein du paysage un peu trop sage de ce film, c’est elle qui s’approche les plus des sommets.

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par Gregory Coutaut

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