Critique : L’Été dernier

Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.

L’Été dernier
France, 2023
De Catherine Breillat

Durée : 1h44

Sortie : 13/09/2023

Note :

LE GRAND BLUFF

A l’origine du nouveau long métrage de Catherine Breillat (son premier en dix ans) se trouve un autre film. Réalisé en 2019 par la cinéaste danoise May el-Toukhy, Queen of Hearts avait beaucoup circulé en festivals (il avait notamment été primé à Sundance) mais est resté inédit en France. On devine très aisément ce qui a pu mettre l’eau à la bouche de la provocante Breillat dans ce récit d’une relation incestueuse entre un ado rebelle et sa belle-mère bourgeoise. On devine également les épices que la Française a probablement désiré rajouter à l’œuvre originale aux angles peut-être un peu trop arrondis à son goût. Sur ce point, nos attentes ont été exaucées. Sans être son film le plus scandaleusement virulent de sa carrière, L’Été dernier signe un retour en très grande forme pour Breillat qui signe là son tout meilleur film depuis A ma soeur.

Face à un fiston bougon qui n’est d’abord qu’un bloc à désirer (dans sa première apparition on ne voit que son torse nu), belle-maman est un bloc de justice et d’intégrité à qui on ne la fait pas. Or les blocs sont faits pour s’effriter et comme souvent chez Breillat, l’impolitesse bravache des personnages dévoile peu à peu une blessure affective à vif. Cette fois encore pour la cinéaste, la vie sexuelle est un parcours du combattant, une partie de bluff où s’affrontent le charme insolent de la jeunesse et l’expérience brutale de celles qui savent. Dans le cadre du Festival de Cannes, L’Été dernier n’est pas le seul à parler de relations intergénérationnelles (on peut citer May December ou Un prince), mais Breillat en tire sa morale propre (propre et sale a la fois, est-on tente de dire) : faire payer les mecs en apprenant aux filles à prendre les armes, qu’il s’agisse d’aller assigner ses agresseurs en justice comme de faire jouer les fillettes avec des flingues.

L’excellente Trine Dyrholm et ses airs de ministre faussement bonhomme laisse ici place à la non moins parfaite Léa Drucker, et c’est déjà un choix à applaudir. Ces dernières années, on a pu voir Drucker interpréter tant de fois des mamans modèles, mères courages (Jusqu’à la garde) ou compréhensives (Close), au point que cela devienne presque un cliché. La caster ici dans un rôle maternel ambivalent à souhait, milf et monstre à la fois, est une trouvaille jubilatoire. Son élégance sage cachant mal un sourire tordu sied parfaitement a ce personnage qui semble ourdir des plans démoniaques quand… elle boit du Champomy en tailleurs crème.

De fait, L’Été dernier a beau être cruel, c’est également un film plein de détails drôles et féroce comme cela. Catherine Breillat s’en donne à cœur joie pour montrer les contradictions des ses personnages à coup d’effets de montage méchants, ou de dialogues trop raisonnables et factuels pour être honnêtes, et le jeu ivre de Drucker colle parfaitement à cette drôlerie inattendue. Breillat et Drucker, le duo camp français de l’année ? On ne l’avait pas prédit sous ces termes, mais quel plaisir de les voir à l’œuvre.

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par Gregory Coutaut

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