Critique : Le Grand chariot

Le Grand Chariot est une constellation d’étoiles. C’est aussi un théâtre de marionnettes. C’est l’histoire d’une famille de marionnettistes, une fratrie, Louis et ses deux soeurs, Martha et Lena, leur père qui dirige la troupe et la grand-mère qui a fabriqué les poupées. Ensemble, ils forment une compagnie et donnent des spectacles de marionnettes. Un jour, lors d’une représentation, le père meurt d’une attaque, laissant ses enfants seuls.

Le Grand chariot
France, 2023
De Philippe Garrel

Durée : 1h35

Sortie : 13/09/2023

Note :

T’ES PLUS DANS LE COUP, PAPA

Dans Le Grand chariot, Philippe Garrel met en scène ses trois enfants Louis Garrel, Esther Garrel, Lena Garrel. Il ne s’agit pas de l’adaptation cinématographique du discours récent sur les nepo-babies, mais (et c’est plus étonnant), il ne s’agit pas forcément non plus d’un autoportrait familial sous forme de fiction. Si les enfants Garrel interprètent bel et bien une fratrie réunie autour d’un père artiste, Garrel père ne joue pas lui-même ce patriarche et sans trop en dévoiler, Le Grand chariot se concentre davantage sur les enfants que sur papa. A travers ce scénario où il est beaucoup question d’artisanat désuet et de traditions qui se perdent dans les jeunes générations, Garrel parait s’interroger sur les héritiers de son cinéma. On espère que ces derniers s’inspireront plutôt de ses œuvres davantage inspirées.

Le savoir-faire que Garrel et son personnage de papa se lamentent de voir disparaitre, on ne peut pas dire qu’on les retrouve ici à l’image. Les meilleurs films récents de Garrel avaient en effet pour qualité rare de donner l’impression d’obéir à une manière de faire cinématographique à la fois singulière et révolue, comme s’ils existaient déjà depuis des décennies et qu’on ne les découvrait qu’aujourd’hui. Le Grand chariot est sans doute son film le plus accessible, mais c’est hélas aussi le plus passe-partout et le plus fade en termes d’écriture et de mise en scène, à tel point qu’on se demande si le long métrage aurait été sélectionné à la Berlinale s’il avait été signé d’un nom inconnu. Avec sa voix off paresseuse, des dialogues prévisibles ou gênants (« Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir une famille comme la tienne »), Le Grand chariot fait preuve d’une paresse bourgeoise.

Les traditions que le cinéastes réitère ici sont aux contraires des marottes qu’on aurait bien voulu le voir abandonner une bonne fois pour toute. Il n’y a pas à attendre 15 minutes avant que la caméra nous montre des seins tandis que ces messieurs restent bien sûr chaudement habillés. De plus en plus épuisée à chacun de ses films, la figure de l’artiste maudit chère à Garrel est ici réduite à celle d’un connard à qui les femmes aux abois trouvent toutes les excuses (il faut voir l’une des héroïnes revenir vers lui la queue entre les jambes après qu’il l’ait traitée comme un paillasson), sans que le scénario n’y trouve rien à redire. Ce n’est certainement pas le regard mort de Louis Garrel, moins investi que jamais, qui risque de venir sauver ce naufrage où tout hurle boomer.

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par Gregory Coutaut

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