Critique : Les Filles d’Olfa

La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de 4 filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles.

Les Filles d’Olfa
Tunisie, 2023
De Kaouther Ben Hania

Durée : 1h47

Sortie : 05/07/2023

Note :

FEMMES EN MIROIR

Les filles d’Olfa sont au nombre de quatre, à moins que ce soit deux ? La question ne devrait pas laisser de place à l’ambiguïté, a fortiori dans le cadre d’une œuvre documentaire. Or le dispositif d’écriture de la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania est tel qu’il nous invite de façon stimulante à la remise en questions des apparences. En réalité, Olfa a bel et bien eu quatre filles. Si nous ne voyons que deux d’entre elles à l’écran, c’est que les deux ainées ne sont plus là. Elles ont été « dévorées par les loups » nous prévient la réalisatrice dans une formule d’introduction à la fois pudique et poétique. Le vrai visage des événements en question ne sera dévoilé que plus tard, d’abord à demi-mot puis les yeux dans les yeux.

Pour remplacer ces dernières à l’écran, Ben Hania a engagé deux jeunes actrices qui leur ressemblent, ainsi qu’une troisième actrice plus âgée, qui endosse elle le rôle de la mère. Le cinéaste filme la rencontre de ces trois nouvelles femmes avec la vraie Olfa et ses deux cadettes, ainsi que leur travail collectif : un travail d’interprétation et de mémoire. Les Filles d’Olfa alterne des scènes de reconstitution fictionnalisée laissant place aux souvenirs familiaux et entretiens face caméra où ces femmes en miroir échangent leurs souvenirs et impressions. On pourrait penser au Casting JonBenet de Kitty Green, ou au basculement glaçant de Tu me ressembles de Dina Amer, mais le film frappe surtout par son homogénéité qui le rend très accessible.

On peut même sans exagération qualifier Les Filles d’Olfa de crowd-pleaser. C’est un documentaire aux sujets graves mais porté par une chaleur humaine contagieuse, et bénéficiant d’un gros capital sympathie. Les actrices et leurs modèles rient et pleurent ensemble, souvent au cours de la même discussion. Leur sororité ne semble connaitre aucune entrave et cette formule menace par moments de devenir un peu facile ou trop belle pour être vraie car l’amusante Olfa est en réalité très loin d’être une mère parfaite (personne ne va oser employer le terme de maltraitance ?). C’est justement cette ambivalence, ce va-et-vient chaotique entre une lucidité bienveillante et une violence inexplicable qui rend ce documentaire si attachant et singulier.

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par Gregory Coutaut

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