Critique : Le Menu

Un couple se rend sur une île isolée pour dîner dans un des restaurants les plus en vogue du moment, en compagnie d’autres invités triés sur le volet. Le savoureux menu concocté par le chef va leur réserver des surprises aussi étonnantes que radicales…

Le Menu
Etats-Unis, 2022
De Mark Mylod

Durée : 1h48

Sortie : 23/11/2022

Note :

A L’ANCIENNE

Un groupe de personnes riches, venues d’horizons divers, se retrouvent réunies pour un luxueux diner qui va virer au jeu de massacre explosif. C’est le pitch appétissant du Menu et, par une amusante coïncidence, c’est aussi en partie celui de la Palme d’Or de cette année, Sans filtre. Cependant, passé ce point de départ commun (celui d’une farce cruelle où les riches deviennent les dindons de la farce, plumés et humiliés), les deux films ne partagent ni la même direction ni la même ambition, et ceci est délibéré. Pour accompagner les plats fins qui composent le fameux menu du film, les personnages boivent du Chassagne-Montrachet. Particulièrement bien renseigné et crédible, ce détail est pourtant comme une anomalie dans un film où tout sonne au contraire joyeusement faux. C’est également délibéré… jusqu’à un certain point.

Le Menu débute comme un huis-clos d’Agatha Christie mais le trait avec lequel sont brossés les personnages et les situations se fait de plus en plus bouffon et le suspens sérieux en cravate et robe de soirée devient alors une comédie grinçante et un récit d’épouvante à la fois. Á la fois ou plutôt « par alternance », car le scénario passe un peu abruptement du rire à la peur et vice-versa, sans parvenir à lier les deux dans un même et unique ton (ce qui était une des qualités de Sans filtre). De même, il alterne mystère sous cloche et pauses explicatives de façon bien arbitraire. Certains points de l’intrigue restent sciemment inexpliqués (pourquoi pas, cela fait d’ailleurs du personnage de Hong Chau le plus intrigant, en plus d’être le plus finement interprété), tandis que d’autres, pas plus fondamentaux en apparence, viennent accompagnés d’une notice. Cette impression que certains passages ont été écrits avec un interrupteur est comme un caillou dans la chaussure de cette entreprise sinon bien sympathique.

Car si tout sonne un peu toc, ce n’est pas forcément un défaut. C’est même une qualité en ce qui concerne le casting. Le scénario insiste bien sur le fait qu’Anya Taylor-Joy est censée être une fille banale, pas du tout à sa place parmi les privilégiés, ce qui est malicieusement contredit par les traits mystérieux et presque aristocratiques de l’actrice. Le fait que chaque second rôle soit joué par des visages plus ou moins familier du cinéma et de la télévision (Judith Light !) vient transformer l’ensemble en une friandise légère dont personne n’est dupe mais tout le monde est complice. Aucun des comédiens ne boude son plaisir, alors pourquoi devrions-nous le faire ? Face à ce Menu, on pense finalement moins à l’éprouvant suspens des romans d’Agatha Christie qu’à la malice un peu désuète et fièrement camp de leurs adaptations cinématographiques pleines de stars. Pas de quoi se sentir bien coupable face au plaisir ressenti.

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par Gregory Coutaut

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