Festival CPH:DOX | Critique : Here

Stefan, un ouvrier du bâtiment roumain vivant à Bruxelles, est sur le point de rentrer chez lui. Il rencontre une jeune femme qui, pour son doctorat, fait des recherches sur les mousses. L’attention que celle-ci porte à un monde quasi-invisible arrête Stefan dans son élan.

Here
Belgique, 2023
De Bas Devos

Durée : 1h22

Sortie : –

Note :

SILENCE ÇA POUSSE

« Écoute ». Moins qu’un ordre, cette phrase est une invitation, et elle s’adresse autant à Stefan le protagoniste de Here qu’à nous spectateurs. Dans le nouveau long métrage du cinéaste Bas Devos (Violet, Ghost Tropic), on dirait pourtant à première vue qu’il n’y a pas grand chose à écouter tant le quartier où se déroule le récit est un placide no man’s land industriel, à mi-chemin entre ville et nature. Vent, silence, murmures de la forêt ? Tel Stefan, on ne réalise pas immédiatement ce que l’on devrait écouter dans ce décor minimaliste filmé avec une élégante sourdine, et c’est justement là la beauté du geste.

Here nous invite à écouter, mais pourrait tout aussi bien nous dire de regarder, de la même manière qu’une jeune femme vient offrir une loupe à Stefan pour observer la forêt sous un autre angle. Cinéaste qui sait mieux que les autres filmer entre les lignes, Bas Devos parvient à ouvrir tout un monde derrière un récit aux apparences particulièrement modestes (on pourrait sans exagérer résumer l’action à : un homme fait de la soupe pour ses amis et se promène dans les bois). En observant la vie quotidienne au microscope, il en dévoile la dimension merveilleuse, presque fantomatique.

Le temps paraît ici s’écouler différemment, et c’est peut-être avant tout une question d’éclairage. De nombreux passages de Here sont en effet plongés dans une lumière crépusculaire qui caresse l’œil tout en l’invitant à scruter l’image différemment, comme si tout se déroulait sous apesanteur ou que quelque chose de secret était sur le point d’éclore. Ce n’est sans doute pas un hasard si les premiers dialogues du film, prononcés par Stefan et ses collègues de chantier, sont laissés délibérément inaudibles, comme si on était juste un peu trop loin pour les comprendre. L’important se trouve ailleurs.

Le monde de Here semble dépeuplé autour de son protagoniste, solitaire au point d’être prêt à s’effacer dans les marges du monde (« pardon de vous avoir touché » s’excuse-t-il auprès d’un de ses rares interlocuteurs). Derrière cette existence qui semble se dérouler en secret, Bas Devos bâtit un portrait à la fois chaleureux et mystérieux du vivre ensemble. Tout comme une fine toile d’araignée qui ne devient visible que sous une certaine lumière, Here parvient presque par magie à dévoiler les liens invisibles qui nous unissent les uns aux autres.

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par Gregory Coutaut

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