Festival de Rotterdam | Critique : Flathead

Cass Cumerford a subi plus que sa juste part de revers dans la vie. Aujourd’hui septuagénaire, il décide de retourner dans sa maison d’enfance de Bundaberg, une petite ville célèbre pour son rhum, dans le Queensland

Flathead
Australie, 2024
De Jaydon Martin

Durée : 1h29

Sortie : –

Note :

A L’ABANDON

L’action de Flathead se déroule dans la ville industrielle de Bundaberg, sur la côte est australienne, mais en termes de cinéma, ce premier long métrage de l’Australien Jaydon Martin se situe sur sa propre longitude, quelque part entre fiction et documentaire. A vrai dire, l’immersion réaliste est d’une telle illusion de la première à la dernière minute du film qu’on oublie régulièrement qu’il ne repose pas que sur un travail de captation (un peu comme dans Mambar Pierrette de Rosine Mbakam, qui vient justement de sortir en salles).

Un carton indique en ouverture que la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole a poussé une partie de la population locale à quitter la région, tout en appauvrissant ceux qui sont restés. C’est pourtant un revenant que l’on suit dans les rues de la ville. Cass, septuagénaire épuisé par une vie qu’on devine pleine d’excès, joue ici son propre rôle d’enfant du pays de retour après une longue absence. Flathead ne nous explique pas les raisons de ces retrouvailles, mais Cass pourrait tout aussi bien être revenu pour mourir sur ses terres, tant il semble n’y avoir plus rien à attendre de Bundaberg.

« Tu as de la chance de ne plus rêver, moi je ne peux plus m’en empêcher ». Voilà ce qu’on se dit dans ce coin du monde quasi abandonné, ce petit bout de « la vraie Australie » où il n’y a rien d’autre à faire que se remémorer le bon vieux temps, et où même la manière qu’on avait de s’ennuyer « à l’époque » est évoquée avec nostalgie. En associant le parcours de Cass à celui d’Andrew, héritier d’un magasin de fish and chips suite au décès son père (le titre du film vient d’ailleurs du nom des poissons utilisés en cuisine), Jaydon Martin dépeint une communauté confrontée à une fin et un oubli plus ou moins proches.

Flathead s’ouvre par une séquence à l’ironie presque méchante, dans laquelle des personnes âgées dansent sur un air sentimental tandis que des bouchers découpent des carcasses, qui n’annonce bizarrement pas du tout le ton du reste du film. Cette contemplation en noir et blanc, au rythme paisible, évite au contraire à la fois le sentimentalisme pittoresque et la violence du poverty porn, et se retranche dans une distance élégante mais exigeante. Le désespoir général dépeint par le film menace régulièrement de devenir contagieux, mais Martin parvient à redresser la barre en consacrant l’émouvante dernière partie du film à la foi de ces personnages que personne ne viendra sauver.

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par Gregory Coutaut

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