Festival de Rotterdam | Critique : Swimming Home

Lorsqu’une famille arrive à sa villa dans un village côtier isolé, elle trouve une inconnue flottant dans sa piscine. La mystérieuse femme aux ongles verts prétend être une botaniste.

Swimming Home
Royaume-Uni, 2024
De Justin Anderson

Durée : 1h39

Sortie : –

Note :

EAUX DANGEREUSES

« Il y a une femme dans la piscine » : ce sont les mots prononcés avec détachement par Nina, une ado d’une quinzaine d’années, décrivant à ses parents l’anomalie qui flotte dans le bassin de leur superbe lieu de vacances. Cela arrive quelques minutes à peine après le début du long métrage, mais l’étrangeté est à vrai dire présente dès le départ, avec ce trajet en voiture filmé non pas à la Shining, mais à l’envers, sens dessus dessous. A l’envers, sens dessus dessous, c’est ainsi que la famille va se retrouver après la rencontre de la mystérieuse Kitty qui apparait dans leur vie comme une créature surnaturelle.

Swimming Home est adapté du premier roman de Deborah Levy, Sous l’eau – autrice peut-être plus connue en France pour sa récente (et très célébrée) trilogie autobiographique parue au Sous-sol. Premier long métrage du peintre et vidéaste britannique Justin Anderson, le film se base sur un canevas familier et archétypal : une entité nouvelle et inconnue fait exploser une cellule familiale en s’insinuant chez elle. Pour ce rôle-clef, Anderson utilise au mieux le magnétisme de la toujours excellente Ariane Labed. Et si les codes sont ici assez identifiés (l’intruse qui va servir d’élément révélateur, la tension sexuelle, l’inconscient révélé), tout le monde fait ici preuve de suffisamment de talent pour que Swimming Home soit une réussite.

La mise en scène d’Anderson tout d’abord. Deux scènes frappent par leur maîtrise minutieuse : la première est un échange entre l’ado Nina, et Kitty, la nouvelle venue. Les décadrages stimulent notre regard, l’image et les corps sont comme fragmentés – la discussion progresse autant par ce qui est dit que par ce que la mise en scène donne à ressentir. Plus tard, le père, Joe, et Kitty se promènent dans la nature. Le cadre finit par isoler Joe comme s’il se promenait seul. Finalement, son ombre projetée sur le t-shirt de Kitty produit un saisissant effet érotique. D’érotisme, il est beaucoup question dans Swimming Home – et plus particulièrement de parades érotiques. Tension sensuelle au bord de la piscine, danses lascives dans la pénombre, plage peuplée de garçons en slip de bain et qui semblent échappés du clip Slow de Kylie Minogue… c’est tout un refoulé sexuel qui est libéré dans le long métrage, et qui va de pair avec sa dimension ridicule. Toute parade érotique a en elle quelque chose qui est à la fois excitant et ridicule – c’est ce que le cinéaste a bien compris.

Que cachent les séduisants scintillements de l’eau ? De quoi les protagonistes ont-ils peur ? Il y a dit-on des serpents dans l’herbe, et il faut prendre garde aux trous dans la roche. Au cœur de cette parenthèse estivale, loin de tout, les règles du quotidien sont prêtes à voler en éclats. « Ne vous laissez pas tromper par la politesse de Laura », dit-on au sujet de l’amie de la famille. Ne vous laissez pas tromper par le vernis social : Anderson dépeint des personnages, mais surtout ce qu’ils portent profondément en eux. Le jeu tordu auquel Justin Anderson nous convie ne se distingue pas nécessairement par une infinie finesse, mais c’est justement sa manière d’attraper les choses par le cou qui lui donne un relief aussi vénéneux que ludique. Signalons également la remarquable bande originale du Grec Coti K., qui offre au film sa voix singulière, étourdie et décalée.

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par Nicolas Bardot

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