TIFF 2023 | Critique : Family Time

Trois générations se retrouvent pour les fêtes dans un chalet en Finlande.

Family Time
Finlande, 2023
De Tia Kouvo

Durée : 1h54

Sortie : –

Note :

LE MYSTÈRE ANNONCÉ S’ACCOMPLIT

Des différents membres de la famille dans Family Time, on ne distingue d’abord que les anoraks et les doudounes qui se succèdent mécaniquement à la porte d’entrée du châlet familial. C’est une sorte de mécanique automatique : tout le monde est réuni pour célébrer Noël, avant tout parce que la tradition le veut. Assurément, papy préfère regarder un improbable rally automobile à la télé plutôt qu’un téléfilm de Noël. On presse le cubi de vin à table, on discute de margarine ou de l’alcoolémie de papy (encore lui) : « tout a toujours été ainsi », commente t-on.

La cinéaste finlandaise Tia Kouvo (lire notre entretien), qui signe ici son premier long métrage, privilégie le cadre fixe. Ce qui pourrait être programmatique ou figé est au contraire particulièrement vivant. C’est de cette immobilité que naît la tension. Les personnages vont et viennent et impriment une vive dynamique à l’image. La parole vient d’ici ou de là et le spectateur occupe une position active face à l’écran. Avec ironie, la queue du chat se balance parfois comme un métronome au bord du cadre. « Tout a toujours été ainsi » effectivement, au point qu’on peut balancer les pires vacheries dans la plus totale indifférence. Nous ne sommes pas dans un règlement de comptes au malaise typiquement nordique : il n’y a pas vraiment de non-dit à découvrir à table, juste une lassitude à s’écouter à moitié – ou pas du tout.

« J’ai le vertige rien qu’à penser aux langues étrangères » : il y a beaucoup de répliques qui peuvent en dire (trop) long dans ce récit sur l’incommunicabilité et l’incapacité à être heureux ensemble. Mais ce qui pourrait être surligné est toujours désamorcé par un jeu sans affect ou une caméra à distance. Kouvo fait preuve d’une prometteuse intelligence de l’image dans ce film qui pourrait avant tout être mené par ses dialogues. Ses choix formels sont à la fois assez radicaux et pourtant accueillants.

La réalisatrice cite Yasujiro Ozu et Todd Solondz parmi ses inspirations – un duo qu’on voit assez rarement cité ensemble. Et il y a effectivement de cela dans le dispositif de Family Time, dans son mélange d’amertume, de cruauté et de tendresse. Le film a une dimension pathétique, mais il accorde aussi une sorte de grâce à ses protagonistes. Il explore les dynamiques familiales de manière complexe (ici, le grand-père bouc émissaire sert de défouloir pour les autres membres qui sont à peu près aussi dysfonctionnels que lui) et brille par son timing comique. Revêche et sensible à la fois, Family Time révèle un talent sur lequel on comptera.

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par Nicolas Bardot

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