Festival CPH:DOX | Critique : Can’t Feel Nothing

Un film révélateur sur l’engourdissement à l’ère des médias sociaux. Le diagnostic est alarmant, mais il est fait avec un humour et énergie.

Can’t Feel Nothing
Danemark, 2024
De David Borenstein

Durée : 1h21

Sortie : –

Note :

ON VIT MAINTENANT SUR INTERNET

Voici un documentaire qui pourrait s’appeler « C’est quoi le problème avec internet de nos jours ? ». A travers Can’t Feel Nothing, le réalisateur américain David Borenstein s’attaque à un problème très contemporain et a priori paradoxal : d’un côté, plusieurs psychologues s’entendent sur le fait que de plus en plus de leurs patients « ne ressentent plus rien », et d’un autre, nous sommes pourtant de plus en plus soumis à ses stimuli émotionnels forts sur internet. Comment les deux phénomènes sont-ils liés ? La question s’avère complexe et surtout vaste, trop sans doute pour trouver sa réponse dans cette enquête qui se veut davantage ludique qu’alarmiste.

Borenstein trimballe sa caméra dynamique aux quatre coins de la planète, à la rencontre des personnes qui créent du contenu numérique et qui s’enrichissent pour ainsi dire sur nos émotions. Camgirl faisant croire à ses abonnés qu’elle ne désire qu’eux, journalistes payés pour inventer les fake news les plus énormes, agent spécialisé en influenceurs pour chien, troll misogyne : tous cherchent à stimuler la réponse la plus forte et immédiate chez l’internaute pour générer clics et revenus. A-t-on affaire à des doux dingues, des escrocs cyniques ou bien des gens lambdas essayant de tirer parti comme ils peuvent d’un système absurde ? Les entretiens auxquels on assiste ici restent un peu trop en surface pour générer une vraie réponse et dépasser le stade d’éléments de langages robotiques, et Borenstein semble parfois davantage préoccupé à se filmer en train de faire des grimaces dans le dos de ses intervenants.

Le processus psychologique de l’addiction à l’immédiateté de l’info et du ressenti sur internet a déjà fait l’objet de nombreux documentaires, mais Can’t Feel Nothing fait partie de ces documentaires scientifiques qui (et ce n’est pas un défaut) choisissent de privilégier une forme pop comique plutôt que l’austérité d’un reportage. La pilule de la légère superficialité de cette enquête sans grand résultat est plus facile à digérer sous cet aspect aussi éclectique et coloré qu’un petit assortiment de bonbons. Avec son ironie cool presque trop charmante pour être honnête, Can’t Feel Nothing possède un petit côté manipulateur, ce qui ne manque pas d’ironie pour un documentaire supposé disséquer les « forces extérieures qui contrôlent nos émotions ». Si elle ne va pas aussi loin que prévu, cette vignette ne manque néanmoins pas de sympathie et à défaut de les résoudre, elle pointe du doigt plusieurs questions qui font réfléchir.

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par Gregory Coutaut

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