Critique : Camila sortira ce soir

Lorsque sa grand-mère tombe gravement malade, Camila doit déménager à Buenos Aires avec sa mère et sa sœur. Elle quitte alors son lycée public pour une institution privée très traditionaliste. Dans ce milieu hostile, elle fait la rencontre de Clara, une camarade de classe qui cache un secret. Une révolution féministe est sur le point de commencer.

Camila sortira ce soir
Argentine, 2021
De Inés Barrionuevo

Durée : 1h43

Sortie : 07/06/2023

Note :

L’ÉCOLE DES FEMMES

Les premières images de Camila sortira ce soir voient la jeune héroïne courir dans les bois avec ses amis. Poursuivis par la police, ces derniers font le mur et rien ne semble pouvoir les arrêter. Camila a beau échapper à la surveillance, son horizon prend vite fin. A peine la nouvelle tombée (grand-mère est très malade), la voilà partie avec sa mère et ses sœurs à la capitale. L’école buissonnière est remplacée par un lycée privé traditionnel où il n’y a pas de place pour la révolte. Les tenues estivales sont remplacées par un uniforme terne. La réalisatrice ne quitte pas sa protagoniste des yeux, toujours filmée en plans rapprochés. Camila a la tête sous l’eau mais c’est le film entier qui entre d’emblée en immersion.

On avait découvert la cinéaste argentine Inés Barrionuevo avec Julia y el zorro, un conte étrange où l’atmosphère naissait en grande partie d’un traitement étonnant de la lumière. L’image est à nouveau comme voilée dans Camila sortira ce soir. Dans le nouvel appartement familial comme à l’école, les couleurs sont délavées, la lumière spectrale, comme si on passait d’un mausolée à un autre. Grand-mère presque déjà morte, maman potiche, profs démissionnaires : les ainés sont presque déjà absents de ce monde-là, et pourtant c’est comme si la moindre porte, le moindre store était déjà fermés sur l’avenir des jeunes. L’une des bonnes idées du film c’est d’ailleurs d’entretenir un flou sur l’époque à laquelle se déroulent les faits. On pourrait se croire encore coincés dans les années 60 ou 90 si au fond du cartable de Camila ne se trouvait pas le foulard vert, symbole du récent combat pour le droit à l’avortement.

Inés Barrionuevo nous disait que d’après elle, cette mélancolie lugubre était quelque chose de typiquement sud-américain. Camila sortira ce soir est sans doute un peu trop long car il menace à quelques reprises de manquer d’air avant d’atteindre son dénouement galvanisant, porté par des images de véritables manifestations féministes. L’écriture de la réalisatrice conserve néanmoins un ton qui mérite attention. De l’héroïne aux vraies/fausses méchantes de films d’ado, chaque personnages possède des nuances bienvenues, et la réalisatrice fait également preuve de justesse en traitant de la bisexualité de Camila comme un non-événement. Le coming-out annoncé par le titre n’est d’ailleurs pas tant celui d’une sexualité que celui d’une ouverture au monde et d’un désir de liberté féministe.

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par Gregory Coutaut

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