Entretien avec Inés María Barrionuevo

C’est l’une des découvertes du tout récent Festival Black Movie : l’Argentine Inés María Barrionuevo signe avec Julia y el zorro son second long métrage. Ce singulier drame fantomatique qui emprunte au conte fait le portrait d’une mère endeuillée qui, avec sa fille, tente de trouver un nouveau sens à sa vie. Et la jeune réalisatrice ne va pas forcément là où on l’imagine… Elle est notre invitée de ce Lundi Découverte.

Quel a été le point de départ de Julia y el zorro ?

Le point de départ vient davantage de fragments d’images que d’une unique idée. Ça a commencé avec une femme et sa fille, seules dans une maison quasi à l’abandon. Puis un renard dans la nuit, l’histoire d’une maternité décalée, une nouvelle sorte de famille. J’écris à partir de ces fragments, puis le récit prend forme. C’est comme un puzzle, avec des pièces venant de mes histoires comme de ma famille.

Le renard est un symbole récurrent dans votre film. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Quand j’étais plus jeune, j’allais dans les montagnes et j’y croisais beaucoup de renards qui s’approchaient des maisons. C’était comme des ombres dans le noir des montagnes de Cordoba. Toutes les fables mettaient en scène deux animaux et une situation conflictuelle avec une morale à la fin. Ce qui m’a intéressée, c’était de combiner l’humain et l’animal, la femme et le renard. Les renards, dans la mythologie, signifient beaucoup de choses. C’est un animal intrigant qui a quelque chose de magique en lui. Et il a également une dimension sexuelle. Je souhaitais combiner ces éléments mythologiques dans une fable qui, elle, n’aurait pas de morale. C’était ça, l’idée : une fable amorale, en laissant le choix à chaque spectateur de tirer la leçon qu’il veut.

L’atmosphère visuelle fantomatique, étrange et mélancolique joue un rôle important dans le film. Comment avez-vous abordé cet aspect avec votre directeur de la photographie Ezequiel Salinas ?

On a beaucoup travaillé ensemble avec Ezequiel Salinas, on se connait depuis mon premier film Atlantida. Le lieu de tournage (la maison) était fondamental : on a repeint tous les murs avec un vieux vert sombre pour donner une atmosphère un peu déprimante. Il fallait jouer sur le contraste entre de belles choses venues d’une autre époque, certains meubles un peu extravagants, et cette maison abandonnée et ouverte à tous les vents. Cela faisait partie du concept que nous souhaitions développer. La volonté était d’arriver à une forme assez radicale. Nous avons fait quelques plans assez composés, mais nous étions également attentifs à la simplicité. On a travaillé sur le chaud-froid de la photographie. C’est de là que vient le côté mélancolique ; à mes yeux c’est quelque chose de très latino-américain, propre à ce personnage. Nous voulions procéder de manière intuitive dans chaque scène tout en suivant un concept formel fort.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Il y a beaucoup de réalisateurs qui m’inspirent, et ce à différents égards. Un film qui a eu un fort impact sur moi a été La Casa de lava de Pedro Costa. C’est un film qui m’a inspirée pour Julia y el zorro. Partant de Costa, j’ai ensuite vu tout Robert Bresson car ce sont des propositions de cinéma qui sont intimement liées.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent au cinéma ?

Pour moi, un réalisateur qui correspond entièrement à cette définition est Apichatpong Weerasethakul.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 29 janvier 2019. Un grand merci à Pascal Knoerr.

Photo : copyright Laura Morsch Kihn

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