Berlinale | Critique : Another End

Les yeux vides de Sal révèlent qu’il ne vit que de souvenirs depuis qu’il a perdu l’amour de sa vie, Zoe. Des souvenirs comme des fragments d’un miroir brisé qu’on ne peut reconstituer. Observant son frère avec une inquiétude croissante, la sœur de Sal, Ebe, lui suggère d’essayer « Another End », une nouvelle technologie qui promet d’atténuer la douleur de la séparation en ramenant brièvement à la vie la conscience d’une personne décédée.

Another End
Italie, 2024
De Piero Messina

Durée : 2h09

Sortie : –

Note :

LA MORT VOUS VA SI MAL

La première scène d’Another End dépeint une situation où l’étrangeté de ce qui se passe devant nos yeux semble être perçue comme un non-événement. C’est un décalage pour nous, spectatrices et spectateurs, mais la science-fiction, et la nouvelle technologie dont il est question dans Another End, sont visiblement plus ou moins acceptées par les protagonistes du long métrage de l’Italien Piero Messina, présenté en compétition à la Berlinale. Ce sera, à nos yeux, le seul moment surprenant d’un film dont le postulat est certes fantastique, mais qui demeure avant tout un récit avec des gens qui parlent sur leurs canapés ou dans des bureaux.

Jusqu’à atteindre une forme d’exercice de style, ce film de SF sur le deuil est dépourvu de toute trace d’imaginaire. Le décorum futuriste (on imagine un futur très proche) est épuré au maximum, mais à force d’épure le film n’est que gilets marrons et intérieurs gris. La palette de couleurs générale est triste à pleurer : 2h10 de gris, de noir et de bleu – du gris-bleu pour dépeindre un futur triste : on a le sentiment que c’est littéralement la première idée passée par la tête qui a été retenue. Sur une thématique qui n’est certes pas totalement identique, Eternal Sunshine of the Spotless Mind était lui aussi une histoire de SF minimaliste sur la conjugalité, la mémoire et l’identité – c’était il y a 20 ans et Another End est, en comparaison, infiniment daté.

La mise en scène propre et lisse ne parvient jamais, selon nous, à donner de la personnalité au long métrage. Ses images sortent d’un robinet, et l’écriture sans profondeur aplatit toutes les relations entre les personnages. Catherine Breillat, dans son récent ouvrage d’entretiens paru chez Capricci, parlait du risque qu’il y a à utiliser la musique de film comme on utiliserait une sauce – on peut effectivement dire qu’Another End est un film en sauce. Par ailleurs, si un argument de SF doit être expliqué à 36 reprises par les personnages (pourquoi ? Comment ? Quelles sont les limites ? Quelles exceptions ? Quels alinéas ?), peut-être s’agit-il simplement d’un récit qui ne fonctionne pas. Le triste résultat nous à évoqué un mélange entre un mauvais film de Fête du Cinéma et (pléonasme?) une mauvaise production Netflix.

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par Nicolas Bardot

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