Berlinale | Critique : The Editorial Office

Yura, un jeune biologiste, est témoin d’un incendie criminel alors qu’il cherche des marmottes dans la steppe de Kherson. Tandis qu’il tente d’alerter le public sur ce qui s’est passé, il se retrouve empêtré dans des affaires de plus en plus louches.

The Editorial Office
Ukraine, 2024
De Roman Bondarchuk

Durée : 2h06

Sortie : –

Note :

PANIQUE À LA UNE

« Le plus important dans la vie, c’est de ne pas se laisser distraire ». Ce conseil, donné à Yura par un homme plus âgé, au détour d’une conversation placée en ouverture du film, pourrait avoir l’air frappé au coin du bon sens si ladite discussion n’avait pas justement lieu entre la découverte d’un camp de nudistes et un celle d’un feu de forêt. Notre héros est certes un humble biologiste qui n’a pas l’âme d’un journaliste ou d’un lanceur d’alerte, il lui est néanmoins difficile de ne pas se laisser distraire par l’absurdité d’un côté et la violence de l’autre. En découvrant que l’origine d’un gigantesque incendie est un acte criminel, Yura va faire ce qui lui paraît le plus logique : avertir la population.

Or, comme dans une version tordue d’une fable de La Fontaine, la morale de cette drôle d’histoire nous est présentée dès le début : parfois, mieux vaut faire semblant de ne rien voir. En voulant rendre public ce qui était privé, Yura l’idéaliste va en effet se retrouver piégé par un engrenage de mensonges et manipulations. L’Ukraine que dépeint le cinéaste Roman Bondarchuk est colorée (une qualité inattendue qui se fait remarquer dès les premiers plans) mais surtout chaotique. C’est un labyrinthe dans lequel les informations officielles naissent, disparaissent ou sont modifiées selon une logique et des intérêts opaques. Le portrait pourrait être cynique, mais Bondarchuk est lui-même issue d’une famille de journalistes, à qui il a ici souhaité rendre hommage. Par ailleurs, si The Editorial Office peut rétrospectivement se lire comme une métaphore sur la médiatisation de la guerre, le film a en réalité été intégralement écrit et tourné avant l’explosion du conflit avec la Russie.

L’immeuble de la revue La Vérité des steppes, à qui Yura tente d’abord de vendre son sujet, est un immeuble à l’architecture sévère et imposante de l’extérieur, mais un taudis a peine salubre à l’intérieur. A l’image de ces bureaux de la rédaction (pour traduire le titre international), ce film navigue dans un curieux entre-deux, à cheval entre tension paranoïaque et comédie désabusée aux détails surréalistes. Cet équilibre n’est pas toujours maintenu avec une parfaite assurance et le film perd une partie de son mordant en cours de route. C’est finalement surtout entre les lignes, dans son sens du détail (comme ce gag où un tag anti-Poutine est perpétuellement effacé puis repeint), que The Editorial Office trouve un succès malicieux.

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par Gregory Coutaut

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