Nos 20 films de réalisatrices des années 2010

Suite de notre focus sur ces 10 années de cinéma qui se sont écoulées : après nos 20 documentaires et nos 20 films queer, voici nos 20 films signés par des réalisatrices. C’est un sujet qui nous tenait déjà à cœur sur FilmDeCulte et dont on a à nouveau beaucoup parlé ces dernières années. Combien de sélectionneurs de festivals disent refuser de choisir leurs films en fonction du sexe du cinéaste (tout en ne sélectionnant pratiquement que des hommes) ? Il existe certes moins de réalisatrices que de réalisateurs, mais on exige souvent d’elles qu’elles franchissent 6 mètres à la perche quand 3 mètres suffisent pour leurs homologues masculins. Malgré une évolution récente, les réalisatrices restent sous-représentées en festivals (1, 1 puis 2 en compétition sur une soixantaine de titres aux trois dernières Mostra), sous-primées par les jurys, sous-évaluées par la critique, accueillies au mieux par l’indifférence au pire par les ricanements des clubs de garçons sur internet – bref, il y a encore du boulot. Première étape : parler de ces cinéastes, reconnaître leurs accomplissements. Parmi les très nombreuses réalisatrices qui nous ont passionnés ces 10 dernières années, voici nos 20 plus grands coups de cœur.


• The Future | Miranda July (États-Unis, 2010)
Le pitch : Sophie et Jason, un couple trentenaire, vivent dans un petit appartement à Los Angeles. Dans un mois, ils adopteront Paw Paw, un chat abandonné. Un peu paniqués à l’idée de perdre leur liberté, ils quittent leur travail et se donnent 30 jours pour accomplir leurs rêves.
Pourquoi on l’aime : Ce second long métrage brillant de cette artiste touche-à-tout (du cinéma à la littérature, de la musique aux performances multimédia) a des allures de petite chose cute, mais c’est un film ambitieux et extrêmement inventif sur le temps, et dont le mélange de tendresse et d’angoisse est inédit.


• Somewhere | Sofia Coppola (États-Unis, 2010)
Le pitch : Johnny Marco, auteur à la réputation sulfureuse vit à l’hôtel du Château Marmont à Los Angeles. Il va recevoir une visite inattendue : sa fille de 11 ans.
Pourquoi on l’aime : Personne ne fait du cinéma comme Sofia Coppola. Son Lion d’or (seule récompense de cette importance parmi les 20 films de ce dossier) a cette mélancolie vague qui caractérise une large partie de sa filmographie. Remarquable formaliste, Coppola fait ici le choix d’un dépouillement formel hérité d’Akerman qui met en valeur ses qualités de scénariste et qui nous évite tous les clichés des relations père/fille. Un cocon hypnotique.


• Sleeping Beauty | Julia Leigh (Australie, 2011)
Le pitch : Ce que les hommes lui font la nuit, Elle l’a oublié au réveil. Une jeune étudiante qui a besoin d’argent multiplie les petits boulots. Suite à une petite annonce, elle intègre un étrange réseau de beautés endormies. Elle s’endort. Elle se réveille. Et c’est comme si rien ne s’était passé…
Pourquoi on l’aime : Dès son premier long produit par Jane Campion, Leigh a imposé son ton à elle, une indéfinissable étrangeté dans ce film de secrets et de mystères. Inexplicablement chahuté par la censure lors de sa sortie française, ambitieux et d’une grande élégance, Sleeping Beauty est un film qui ne ressemble à aucun autre.


• Un amour de jeunesse | Mia Hansen-Love (France, 2011)
Le pitch : Camille a 15 ans, Sullivan 19. Ils s’aiment d’un amour passionnel, mais à la fin de l’été, Sullivan s’en va. Quatre ans plus tard, Camille fait la connaissance d’un architecte reconnu dont elle tombe amoureuse. Ils forment un couple solide. C’est à ce moment qu’elle recroise le chemin de Sullivan…
Pourquoi on l’aime : Derrière ses apparences de cinéma d’auteur « très français » (et les clichés qui iraient avec), Mia Hansen-Love signe un film splendide, intelligent, d’une rare qualité d’écriture, qui parvient à rendre surprenant ce qu’on croit familier. Un talent précieux dont elle a continué à faire preuve avec ses films suivants.


• Une vie simple | Ann Hui (Hong Kong, 2011)
Le pitch : Au service d’une famille bourgeoise depuis quatre générations, la domestique Ah Tao vit seule avec Roger, le dernier héritier. Producteur de cinéma, il dispose de peu de temps pour elle, qui, toujours aux petits soins, continue de le materner… Le jour où elle tombe malade, les rôles s’inversent…
Pourquoi on l’aime : Encore assez méconnue en occident, la réalisatrice hongkongaise a une large filmographie qui embrasse tous les genres. Elle signe ici un très beau mélodrame où l’humilité et la pudeur mettent en valeur l’humanité et l’émotion. Le tout porté par la prestation inoubliable de Deannie Yip.


• Zero Dark Thirty | Kathryn Bigelow (États-Unis, 2012)
Le pitch : Le récit de la traque d’Oussama Ben Laden par une unité des forces spéciales américaines.
Pourquoi on l’aime : C’est un film qui laisse de l’espace pour penser, qui délivre un énorme morceau de cinéma sans en faire un spectacle bêtement patriotique. C’est surtout un film qui contredit l’idée selon laquelle Bigelow ferait un cinéma d’homme, en délivrant un passionnant point de vue sur la violence que l’on peut mettre en parallèle avec son reflet inversé, Démineurs.


• Vanishing Waves | Kristina Buozyte (Lituanie, 2012)
Le pitch : Lukas, un jeune scientifique, participe à une expérience inédite dans le domaine de la recherche neurologique : entrer en communication avec l’esprit d’une femme plongée dans le coma à la suite d’un accident de voiture.
Pourquoi on l’aime : Un film de science-fiction venant de Lituanie – au-delà de la curiosité exotique, il y a un talent fou de la part d’une réalisatrice qui fait preuve d’une grande inspiration formelle dans ce long métrage où l’émotion peut naître d’un simple rai de lumière.


• Forma | Ayumi Sakamoto (Japon, 2013)
Le pitch : Ayako et Yukari étaient amies à l’école. Elles se retrouvent par hasard, dix ans plus tard, après s’être perdues de vue. Ayako propose à Yukari de l’embaucher dans son bureau. Leur relation va prendre une tournure inattendue…
Pourquoi on l’aime : C’est pour nous l’une des grandes révélations du cinéma japonais de ces dix dernières années. Passé par la Berlinale, ce film radical et ambitieux, dont l’intensité narrative naît du dépouillement, culmine lors d’un plan séquence d’une demi heure où la violence larvée menace d’exploser. Vite, des nouvelles !


• Longing for the Rain | Lina Yang (Chine, 2013)
Le pitch : Fang Lei est une jeune femme au foyer. Son mariage aisé lui procure sécurité, mais ce cocon est dénué d’amour et de sexe. Elle trouve l’apaisement dans ses rêves quand, une nuit, un mystérieux jeune amant apparait pour lui faire l’amour…
Pourquoi on l’aime : Est-ce un film social ou un drame érotique ? Un film de fantômes ou un documentaire ? La Chinoise Lina Yang ne tranche jamais vraiment et c’est ce qui rend passionnant ce très audacieux long métrage qui, comme les découvertes les plus excitantes, refuse toutes les étiquettes.


• The Reunion | Anna Odell (Suède, 2013)
Le pitch : L’artiste Anna Odell nous invite à une réunion d’anciens élèves. Qu’arrive-t-il lorsque les vieilles hiérarchies sont questionnées par une voie inattendue ?
Pourquoi on l’aime : Unique, improbable, excitant – voilà des qualificatifs que l’on peut employer sur le film hors-normes de la Suédoise. Elle ne se ménage pas dans ce film qui floute la frontière entre le vrai et le faux, entre le doc et la fiction, et qui traite de manière stimulante de la violence sous toutes ses formes. Une révélation confirmée par son très singulier X&Y.


• The Babadook | Jennifer Kent (Australie, 2014)
Le pitch : Depuis la mort de son mari, Amelia lutte pour ramener à la raison son fils de 6 ans, Samuel, devenu incontrôlable et qu’elle n’arrive pas à aimer. Quand un livre de contes intitulé se retrouve mystérieusement dans leur maison, Samuel est convaincu que le ‘Babadook’ est la créature qui hante ses cauchemars.
Pourquoi on l’aime : C’est l’un des films d’horreur de la décennie. Avec talent, Kent est parvenue à la fois à faire peur, à faire rire et à émouvoir. Un mélange pas si classique dans ce long métrage qui propose un point de vue différent sur la maternité et qui secoue les codes du genre pour traiter de sujets complexes.


• Bande de filles | Céline Sciamma (France, 2014)
Le pitch : Marieme vit ses quinze ans comme une succession d’interdits. Sa rencontre avec une bande de filles affranchies change tout.
Pourquoi on l’aime : En filmant des jeunes femmes visibles dans la rue mais invisibles au cinéma, Sciamma fait d’emblée un geste politique. Bande de filles est un récit passionnant sur la place qu’on a, qu’on vous refuse, qu’on doit prendre. Une immersion intense qui donne tout ce qu’elle a.


• Still the Water | Naomi Kawase (Japon, 2014)
Le pitch : Un soir d’été, Kaito découvre le corps d’un homme flottant dans la mer. Sa jeune amie Kyoko va l’aider à percer ce mystère. Ensemble, ils apprennent à devenir adulte et découvrent les cycles de la vie, de la mort et de l’amour.
Pourquoi on l’aime : Ce film d’une beauté terrassante est l’un des sommets dans la filmographie de la cinéaste japonaise. En parlant de deuil, Still the Water aide à vivre et son traitement hypersensible est proche de la magie. La Palme lui tendait les bras – faudra t-il attendre encore vingt ans ?


• Évolution | Lucile Hadzihalilovic (France, 2015)
Le pitch : Nicolas, onze ans, vit avec sa mère dans un village isolé au bord de l’océan, peuplé uniquement de femmes et de garçons de son âge. Dans un hôpital qui surplombe la mer, tous les enfants reçoivent un mystérieux traitement…
Pourquoi on l’aime : Il y a très peu de cinéastes qui ont autant le sens du mystère que Lucile Hadzihalilovic. Après l’envoûtant Innocence, la réalisatrice le confirme avec ce nouveau film de secrets d’une inquiétante beauté et qui fait part d’un regard inédit sur la puberté. A plusieurs reprises durant Évolution, on se dit qu’on n’a jamais vu ça avant.


• American Honey | Andrea Arnold (Royaume-Uni, 2016)
Le pitch : Star, une adolescente, quitte sa famille dysfonctionnelle et rejoint une équipe de vente d’abonnements de magazines, qui parcourt le midwest américain en faisant du porte à porte.
Pourquoi on l’aime : American Honey est le sommet d’un sans-faute cinématographique par une artiste qui compte parmi les meilleur.e.s cinéastes d’aujourd’hui. Arnold fait preuve d’une impressionnante maîtrise de la narration impressionniste dans ce film d’une grande puissance picturale et poétique.


• Certaines femmes | Kelly Reichardt (Etats-Unis, 2016)
Le pitch : Au cœur du Montana, trois femmes, trois destins croisés : celui d’une avocate, d’une femme qui s’installe avec son mari dans une nouvelle maison et d’une ouvrière agricole…
Pourquoi on l’aime : Pendant que beaucoup de réalisateurs masculins bandent les muscles très fort dans les compétitions de festivals, Kelly Reichardt fait plutôt dans la dentelle. Ce film subtil et poignant en est peut-être la meilleure expression – il ressemble à une petit film discret mais c’est une vraie pépite d’or.


• Toni Erdmann | Maren Ade (Allemagne, 2016)
Le pitch : Quand Ines, femme d’affaire d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l’aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…
Pourquoi on l’aime : C’est un pari complètement fou fait par la géniale cinéaste révélée par Everyone Else – celui d’une comédie allemande de près de 3 heures qui serait aussi un film grand public. A l’arrivée, un vrai petit miracle rempli de surprises, hilarant et bouleversant, dont l’absence au palmarès cannois tient du vol pur et simple.


Zama | Lucrecia Martel (Argentine, 2017)
Le pitch : Fin du XVIIIème siècle, dans une colonie d’Amérique latine, le juge don Diego de Zama espère une lettre du vice roi du Río de la Plata signifiant sa mutation pour Buenos Aires.
Pourquoi on l’aime : Zama est un bijou à la mise en scène sensorielle qui détourne à la fois les attentes du récit héroïque et viril de conquête mais aussi celles des antihéros flamboyants gagnés par la fièvre de la jungle. Martel privilégie l’étrange et le surréel avec un panache fou.


High Life | Claire Denis (Royaume-Uni, 2018)
Le pitch : Un groupe de criminels condamnés à mort accepte de participer à une mission spatiale gouvernementale, dont l’objectif est de trouver des sources d’énergie alternatives, et de prendre part à des expériences de reproduction…
Pourquoi on l’aime : Voilà une autre grande cinéaste au cinéma sensorielle qui s’exprime ici directement en apesanteur. Cette incursion de Claire Denis dans la SF est une expérience ensorcelante, déconcertante et unique, une rêverie et un vagabondage peuplés de visions fulgurantes.


I Was at Home, But… | Angela Schanelec (Allemagne, 2019)
Le pitch : Un jeune garçon de 13 ans réapparaît après avoir disparu pendant une semaine dans la nature. La vie, peu à peu, reprend son cours…
Pourquoi on l’aime : Également présent dans notre liste (riche en réalisatrices) des meilleurs films inédits en salles de l’année, I Was at Home, But… était pour nous l’un des sommets de l’année. Un film sidérant qui dessine un imaginaire féminin d’une violente étrangeté. On espère fort le voir arriver au cinéma en 2020…


Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut le 5 janvier 2020.

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