La rédaction du Polyester a visionné tous les courts métrages dans la belle compétition de la Berlinale, et s’est également aventurée parmi les courts des autres sections (Berlinale Special, Forum Expanded, Generation). A l’arrivée, nous vous proposons 12 coups de cœur parmi les découvertes berlinoises, auxquels nous devons ajouter les excellents Preoperational Model de Philip Ullman et Grandmamauntsistercat de Zuza Banasińska (lauréat du Teddy Award du court métrage), qui figuraient déjà dans notre dossier best of courts métrages de Rotterdam.
• Al sol, lejos del centro | Luciana Merino & Pascal Viveros (Chili)
L’histoire : Santiago, dans la chaleur de l’été. Une caméra balaie un voisinage apparemment sans histoire…
Pourquoi on l’aime : Présenté en compétition courts métrages, Al sol, lejos del centro était pour nous l’un des sommets de cette Berlinale. A partir d’un dispositif qui évoque la caméra mystérieuse du Grand mouvement, Luciana Merino & Pascal Viveros filment un lieu avec une lenteur silencieuse qui invite un sentiment d’étrangeté. Qui regarde et où allons-nous ? L’expérience de Al sol, lejos del centro est ensorcelante et émouvante.
• Les Animaux vont mieux | Nathan Ghali (France)
L’histoire : Une mystérieuse communauté d’animaux s’affaire à des rituels dans les sous-sols d’une église, à l’abri des humains.
Pourquoi on l’aime : Le Français Nathan Ghali signe un court métrage d’animation très étonnant, qui établit un dialogue intéressant avec un autre court en compétition (We Will Not Be the Last of Our Kind, cf ci-dessous). Chat, raton-laveur ou renard ont investi une église dans un monde qui semble post-apocalyptique. Reste t-il des humains quelque part ? S’agit-il d’une fuite du monde allégorique ou de sa réappropriation par le monde animal ? Le résultat est un séduisant mélange de morbide et de merveilleux.
• Chime | Kiyoshi Kurosawa (Japon)
L’histoire : Matsuoka enseigne dans une école de cuisine. Un jour, l’un de ses élèves déclare entendre un bruit étrange, comme un carillon que lui seul semble percevoir…
Pourquoi on l’aime : Kiyoshi Kurosawa signe son formidable retour à l’horreur avec ce moyen métrage présenté à Berlinale Special. Dans Chime, la mise en scène minutieuse de l’horreur (sa construction, sa progression et son surgissement) pourrait être enseignée en école de cinéma et constitue l’une des meilleures vues au festival cette année. Les mouvements de caméra et le découpage sont d’une pureté limpide et glaçante.
• Circle | Joung Yumi (Corée du Sud)
L’histoire : Une petite fille dessine un cercle sur le sol. Des passants y entrent, un par un. Bientôt, le cercle est rempli de gens qui luttent pour se faire de la place les uns pour les autres.
Pourquoi on l’aime : Troisième coup de cœur d’affilée pour la brillante animatrice coréenne Joung Yumi qui figurait déjà dans notre article sur les meilleurs courts métrages de 2023 et 2022. Aussi simple qu’énigmatique (zéro dialogue ou explication), Circle est un nouveau formidable exemple de son épure narrative à la fascinante élégance rétro.
• Cura sana | Lucía G. Romero (Espagne)
L’histoire : Une journée semble-t-il comme une autre dans la vie de Jessica, 14 ans. Alors qu’elle préférerait s’amuser, Jessica est chargée, avec sa petite sœur, d’aller chercher de la nourriture pour sa famille auprès d’une association caritative.
Pourquoi on l’aime : L’Espagnole Lucía G. Romero fait preuve d’un talent très prometteur pour suggérer finement les dynamiques familiales. Ce court métrage à la mise en scène chaleureuse et colorée peut également compter sur le talent de sa jeune actrice, Roser Rendon Ena. Cura sana a été primé dans la section Generation (dédiée à des films pouvant s’adresser à un public jeune).
• Kawauso | Akihito Izuhara (Japon)
L’histoire : Une jeune fille marche dans les hautes herbes. Une loutre la rattrape et la rejoint dans sa promenade. Les deux tentent en vain de communiquer l’un avec l’autre.
Pourquoi on l’aime : Une loutre face à l’apocalypse, une flânerie silencieuse qui se transforme en chant d’adieu, une animation très finement crayonnée mais à la densité de détails étourdissante… En entrechoquant les échelles comme des plaques tectoniques, Kawauso tisse un puissant crescendo onirique en noir et blanc.
• The Moon Also Rises | Yuyan Wang (Chine)
L’histoire : En Chine, des lunes artificielles vont être envoyées dans le ciel afin d’abolir la frontière entre le jour et la nuit. Pendant ce temps, sur Terre, la vie continue.
Pourquoi on l’aime : La Chinoise Yuyan Wang signe un récit de science-fiction minimaliste où la paroi entre monde réel et artificiel s’efface. La cinéaste fait preuve d’une utilisation de la lumière et d’un sens de l’atmosphère remarquables dans ce film à la douceur ambiguë. The Moon Also Rises fait partie des trois réussites signées par des réalisatrices chinoises en compétition.
• Papillon | Florence Miailhe (France)
L’histoire : Dans la mer, un homme nage. Au fur et à mesure de sa progression les souvenirs remontent à la surface. De sa petite enfance à sa vie d’homme, tous ses souvenirs sont liés à l’eau. Certains sont heureux, d’autres glorieux, d’autres traumatiques.
Pourquoi on l’aime : Réalisatrice entre autres de La Traversée, la Française Florence Miailhe raconte dans Papillon l’extraordinaire histoire vraie du nageur Alfred Nakache. Son utilisation remarquable de la peinture permet une mise en scène émouvante et poétique du temps et de la mémoire, tout en offrant une dynamique singulière à ce récit qui semble en mouvement perpétuel. Papillon était présenté en section Generation.
• Remains of the Hot Day | Wenqian Zhang (Chine)
L’histoire : Une journée chaude, dans la Chine de la fin des années 90. Quelques instants dans la vie de trois générations, dans la même maison.
Pourquoi on l’aime : Avec subtilité, la Chinoise Wenqian Zhang met en scène les liens familiaux et les sentiments des uns envers les autres, à travers une mise en scène sensorielle qui saisit ce qu’il y a d’invisible dans l’atmosphère et les murs de cette maison. L’utilisation du décor, l’économie de dialogues et le sens du détail apportent une grâce particulière à ce beau film, qui a reçu l’Ours d’argent du meilleur court métrage.
• Sojourn to Shangri-La | Lin Yihan (Chine)
L’histoire : Lorsqu’un tournage au bord d’une plage menace de tomber à l’eau suite à un imprévu technique, une jeune assistante se charge de trouver une solution à cette délicate situation.
Pourquoi on l’aime : L’argument de Sojourn to Shangri-La, présenté en compétition, pourrait être celui d’une comédie. La Chinoise Lin Yihan signe un film au ton finalement beaucoup plus insaisissable, allant de questions purement matérielles pour finalement s’échapper jusqu’à une tension surnaturelle. Voilà un court métrage surprenant, au discret pouvoir magique, porté par une grande beauté formelle.
• Un movimiento extraño (An Odd Turn) | Francisco Lezama (Argentine)
L’histoire : Buenos Aires, 2019. Lucrecia, qui travaille comme gardienne de sécurité dans un musée, prévoit une forte hausse de la valeur du dollar grâce à son pendule. Lorsqu’elle perd soudainement son emploi, elle reçoit une indemnité de départ inattendue et tombe amoureuse de l’employé d’un bureau de change.
Pourquoi on l’aime : Un développement inattendu (c’est la traduction du titre) et pas qu’un seul. Film de braquage, comédie paranormale, triangle amoureux bisexuel, parabole politique ? A chaque fois qu’on croit enfin comprendre où se dirige ce petit rébus narratif à la Borges, celui-ci nous glisse finement entre les doigts. Lauréat de l’Ours d’or du court métrage, Un movimiento extraño témoigne de l’inventivité narrative du cinéma argentin contemporain.
• We Will Not Be the Last of Our Kind | Mili Pecherer (Israël)
L’histoire : Dans l’Arche de Noé, une jeune femme suit un programme de réinsertion professionnelle parmi les animaux.
Pourquoi on l’aime : Sélectionné en compétition, We Will Not Be the Last of Our Kind est un drôle d’ovni qui mêle de manière très surprenante une tension apocalyptique et un sens de l’humour absurde. Dans la raideur des images de synthèse, une intrigante lumière semble sur le point de vaciller. Mili Pecherer signe un très étrange conte existentiel qui ne ressemble à aucun autre film et révèle une personnalité à suivre.
Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut le 29 février 2024.
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