Entretien avec Gabriel Abrantes

Révélé au grand public par sa fantaisie queer Diamantino qu’il a co-réalisé avec Daniel Schmidt, le réalisateur américano-portugais Gabriel Abrantes revient au court métrage Les Extraordinaires mésaventures de la jeune fille de pierre. Ce film, mêlant animation et prises de vue réelles, raconte la fable d’une statue du Louvre qui rêve de découvrir la vie hors du musée. Les Extraordinaires mésaventures de la jeune fille de pierre, qui mêle conte naïf et questions politiques, a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs et ce film est visible jusqu’au 14 août 2020 sur le replay d’Arte. Gabriel Abrantes nous en dit plus sur sa nouvelle création…

Quel a été le point de départ des Extraordinaires mésaventures de la jeune fille de pierre ?

Le film a été inspiré par le conte d’Andersen Le Petit sapin. C’est l’histoire du voyage tragique d’un petit sapin, de la forêt jusqu’au salon d’une famille appartenant à la classe moyenne en ville. Le petit arbre a toujours rêvé d’être un arbre de Noël et de devenir l’élément central d’une famille, mais quand son rêve se réalise, il se rend compte que la réalité n’est pas aussi rose qu’il ne l’espérait. J’ai changé l’arbre en sculpture, la forêt en musée, et de cela est venue cette histoire de statue qui ne veut plus être au musée et aimerait sortir dans la rue.

Les Extraordinaires mésaventures de la jeune fille de pierre est une pure fantaisie, un conte de fées, mais c’est aussi un film qui traite de questions politiques. Comment avez-vous travaillé sur cet équilibre durant l’écriture ?

Mes trois derniers films, Artificial Humors, Diamantino et La Jeune fille, traitaient tous de personnages naïfs et enfantins confrontés à un contexte politique ou une réalité complexes, contradictoires et effrayants. Je m’intéresse au point de vue naïf, car comme la fillette des Habits neufs de l’empereur, c’est une perspective qui peut aller au-delà des mœurs, des normes et des contradictions sociales. Une perspective naïve est imprégnée en quelque sorte d’une semi-impartialité, car elle ignore les subtilités sociales qui gouvernent les situations politiques. Dans ce sens, la statue est ouverte d’esprit et a peu d’idées préconçues au sujet du guide, de la contestation politique ou même de la police à laquelle elle est confrontée.

L’animation de votre film est techniquement impressionnante. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette partie du projet ?

Les effets animés ont été réalisés par Irmalucia, une boite incroyable basée à Lisbonne. Ils travaillent avec Pedro Costa entre autres auteurs, ils ont collaboré avec Manoel de Oliveira. Ils ont une grande passion pour les films d’auteur, et cela leur tient à cœur de se consacrer pleinement à des projets plus fragiles et non-commerciaux. Nous avons filmé une vraie actrice dans une combinaison pour la motion capture. Puis ils ont copié les mouvements de l’actrice pour créer ceux de la sculpture.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Il y en a de toutes sortes. J’adore Ernst Lubitsch, Lena Dunham, Kathryn Bigelow, Pier Paolo Pasolini, Jordan Peele, Michael Bay, Alfred Hitchcock, Charlie Chaplin, Walt Disney, Robert Zemeckis… Pour ce court métrage, j’ai été très inspiré par Pixar. Brad Bird est une telle inspiration. Et par les frères Fleischer, qui ont inventé la technologie mêlant rotoscopie et motion capture dans les années 30 avec la danse de Cab Calloway pour Minnie the Moocher.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Je pense qu’on voit des nouveaux talents tout le temps. Mati Diop vient de montrer son premier long métrage en compétition à Cannes. Ce film, Atlantique, est très beau et émouvant. Elle a un talent fou.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 21 mai 2019. Un grand merci à Catherine Giraud.

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