New Directors/New Films 2020 | Critique : The Shepherdess and the Seven Songs

Bien qu’elle vienne d’épouser Tanvir, la bergère Laila continue d’attirer l’attention des hommes autour d’elle, notamment du gendarme Mushtaq qui est déterminé à la conquérir.

The Shepherdess and the Seven Songs
Inde, 2020
De Pushpendra Singh

Durée : 1h36

Sortie : –

Note :

A SES PIEDS 

The Shepherdess and the Seven Songs est inspiré des écrits de Lalleshwari, poétesse mystique indienne du 14e siècle. Une jeune mariée, un soupirant, un honneur en jeu : les éléments de ce récit sont intemporels et, de façon assez amusante, il faut d’ailleurs un léger moment pour réaliser que le film ne se déroule ni dans le passé ni dans une Inde de conte rêvée, mais bel et bien aujourd’hui. Est-ce dû aux tenues et au mode de vie encore traditionnels de cette population nomade dans ce coin du Kashmir ? A la majesté sylvestre de ces paysages au pied de l’Himalaya ? 

Avec ce discret questionnement, The Shepherdess nous plonge d’emblée dans une envoutante brume, au figuré et au sens propre. Cette forêt du nord-ouest de l’Inde, on a l’impression de ne l’avoir vue nulle part. Escarpée, luxuriante et voilée de brouillard, elle rappellerait presque celle du nord-ouest américain qui a servi à tant de films fantastiques. C’est un décor réaliste filmé sans afféterie,et c’est aussi une scène prête à accueillir les personnages de ce conte (une impression accentuée par la très élégante géométrie de certains plans).

C’est d’ailleurs sur un équilibre similaire que danse ce drôle de film, qui n’obéit qu’à sa propre recette et refuse de se rentrer dans les cases. C’est un film avec des chansons, mais ce n’est pas du tout un blockbuster musical comme l’Inde en produit tant. C’est un film d’inspiration folklorique mais qui évite avec soin de tomber dans la facilité du pittoresque. C’est un film social et réaliste qui est aussi un conte. C’est un film d’auteur au rythme parfois exigeant, mais dans lequel il y a d’authentiques gags de vaudeville. C’est une comédie et c’est une tragédie. Cela parle d’amour mais en même temps de tout autre chose. C’est d’une sobriété parfois sans compromis et c’est une fable généreuse à la fois. Ce n’estpas un hasard si le film a été sélectionné dans la très pointue (et très excitante) section Encounters de la Berlinale : c’est une histoire classique et une mise en scène très contemporaine. 

Contemporain. Pas gagné d’avance pour des poèmes du 14e siècle. Entournant dans le Kashmir d’aujourd’hui, le réalisateur Pushpendra Singh (lire notre entretien) n’élude pas la tension politique qui pèse sur la région, où la police et l’armée continuent de réguler le moindre déplacement. Le corps de la bergère Laila réclame la liberté : face aux frontières, face au harcèlement, mais aussi dans son lit (autre gage de modernité). C’est un personnage fort, dont les pieds n’acceptent pas de se faire marcher dessus, et c’est aussi un puissant symbole de l’Inde. Celui d’une société indienne vivant sa division comme un fardeau, une société avide de changer de peau pour trouver sa liberté.

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par Gregory Coutaut

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