Critique : O Corno

1971, Espagne franquiste. Dans la campagne galicienne, María assiste les femmes qui accouchent et plus occasionnellement celles qui ne veulent pas avoir d’enfant. Après avoir tenté d’aider une jeune femme, elle est contrainte de fuir le pays en laissant tout derrière elle.

O Corno
Espagne, 2023
De Jaione Camborda

Durée : 1h43

Sortie : 27/03/2024

Note :

SAGES FEMMES

Lors d’un spectacle au village, un magicien fait entrer une femme dans une boite. Celle-ci va finir coupée en deux, admirée par la foule, les jambes d’un côté, la tête de l’autre. Ce numéro fantaisiste devant un public ravi tranche avec les autres scènes de O Corno, où les corps féminins (ce qu’on leur fait, ce qu’ils subissent) sont cachés dans le secret d’une chambre. C’est d’ailleurs ainsi que le second long métrage de l’Espagnole Jaione Camborda (lire notre entretien) débute : par une longue scène d’accouchement douloureux, filmée pendant dix minutes. Ce n’est certes pas le premier accouchement que l’on voit au cinéma, mais ils sont rarement filmés ainsi, avec une telle intensité.

Jaione Camborda raconte ce qui semble ici une stricte « affaire de femmes » : leur rapport à la maternité, la grossesse – qu’elle soit désirée ou ici pas désirée du tout. De leur côté, les hommes apparaissent, disparaissent. La cinéaste trouve une manière surprenante d’aborder différents points de vue et parvient à rendre justice à la complexité de son sujet. La structure du récit est étonnante et l’on ne sait jamais vraiment là où O Corno peut aller. Cela va de pair avec une singulière gestion du rythme : la première partie demande de rester attentif, tandis que la deuxième nous plonge dans un récit plus dynamique et romanesque.

Le film se déroule au début des années 70, ce qu’on oublie parfois – la reconstitution historique est discrète et le propos demeure universel. Certaines scènes en miroir, répétées, constituent un refrain qui relie les femmes d’hier à celles d’aujourd’hui. C’est là le cœur du long métrage : la solitude dans laquelle sont plongées des femmes, criminalisées ou dans une situation de clandestinité, mais aussi la solidarité dont elles font preuve entre elles. O Corno dépeint un héroïsme secret, sans statue. Le code couleurs entre le doré et le marron est comme un symbole d’une chaleur humaine et d’une vie brutale tout à la fois.

O Corno brille également grâce à son actrice, Janet Novás, une danseuse dont la présence physique à l’écran est effectivement remarquable. Le long métrage parvient à être aussi ambitieux qu’accessible, dans son écriture, sa mise en scène, ses respirations. Il s’ajoute aux très nombreuses découvertes prometteuses d’un jeune cinéma espagnol décidément aux avant-postes ces dernières années.

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par Nicolas Bardot

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