Festival Cinélatino | Critique : No nos moverán

Socorro (67 ans), avocate obstinée, est obsédée par l’idée de retrouver le soldat qui a tué son frère lors du massacre des étudiants en 1968 dans le quartier de Tlatelolco, Mexique. Ce désir de justice masque une vieille culpabilité qui l’a éloignée de sa sœur Esperanza (70 ans) et de son fils Jorge (45 ans). Après des décennies de recherche, une nouvelle piste la rapproche du soldat. Elle fomente alors un absurde plan de vengeance qui met en danger son patrimoine, sa famille et sa propre vie.

No nos moverán
Mexique, 2024
De Pierre Saint-Martin Castellanos

Durée : 2h00

Sortie : –

Note :

VIEILLES CANAILLES

Présenté en première mondiale au Festival Cinélatino de Toulouse (d’où il est reparti avec pas moins de trois prix), No nos moverán est le premier long métrage du cinéaste mexicain Pierre Saint-Martin Castellanos. Son titre pourrait se traduire par « Ils ne nous vireront pas » et comme semble nous l’indiquer la scène d’ouverture du film, une dispute homérique qui oppose l’héroïne à ses râleurs de voisins, aucun des personnages n’est du genre à se laisser marcher sur les pieds. Surtout pas la protagoniste. Socorro a un métier (avocate) et un prénom (qui signifie secours, tout un programme) qui la destinent à prendre soin de son prochain, et c’est ce qu’elle fait, à condition qu’on ne vienne pas l’emmerder. Or, tout le monde l’emmerde, c’est pas de chance.

Les raisons d’en vouloir à tout le monde sont légion (à commencer par la bonne manière de faire du pain griller, non mais), cela n’empêche pas Socorro de ruminer le traumatisme de sa vie : la mort de son frère. Lorsque le hasard lui permet d’obtenir après de longues années le nom de celui qui a torturé ce dernier, Socorro met enfin en branle son doux rêve, celui de se venger. Mais comment faire lorsque les années ont passé, qu’on est devenu une vieille râleuse aux cheveux blancs et qu’on a déjà du mal à rester debout sans tomber dans les pommes ?

Avec son noir et blanc élégant, ses ralentis furtifs et sa galerie de personnages secondaires directement sortis d’un film noir, Pierre Saint-Martin Castellanos montre sa maitrise des codes du film de vengeance. Mais même s’il se réfère à une histoire nationale réelle (les violentes répressions de manifestations étudiantes en 1968), No nos moverán se paye le luxe de nous faire rire. En effet, le plan de Socorro est d’emblée absurde et ce ne sont pas le bras cassés qui l’entourent qui vont lui faciliter la tâche.

Le titre du film est également un célèbre slogan politique, que l’on pourrait traduire par « nous ne flancherons pas ». En remettant aux commandes de la justice des personnages marginaux et pour tout dire un peu déglingués, Pierre Saint-Martin Castellanos nous dit que l’Histoire n’appartient pas qu’aux puissants. Les artifices assumés de sa mise en scène mettent peut-être davantage en valeur ses passages humoristiques que ceux supposés plus émouvants, mais la réussite de No nos moverán est aussi d’être une comédie où l’humour parvient à ne jamais nuire au sérieux du sujet ou à la dignité de sa protagoniste. Quant à l’actrice Luia Huertas, elle brille autant dans la fantaisie que la colère ou le pathos.

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par Gregory Coutaut

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