Critique : The House That Jack Built

États-Unis, années 70.
Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.

The House That Jack Built
Danemark, 2018
De Lars Von Trier

Durée : 2h35

Sortie : 17/10/2018

Note : 

JE RENTRE A LA MAISON

Entre 1996 et 2000, le Danois Lars Von Trier a mis en scène sa trilogie Cœur d’or composée de Breaking the Waves, des Idiots et de Dancer in the Dark. Si l’esprit y était déjà assez maussade (comme dans la majeure partie de sa filmographie), le cinéaste réalise un peu son film anti-coeur d’or avec The House That Jack Built où l’on est très loin des précédents héros aux cœurs candides. On y suit les méfaits d’un talentueux tueur en série (incarné par un Matt Dillon très bien casté), pour qui chaque meurtre est telle une œuvre d’art.

C’est le cœur (bien noir cette fois) de ce projet : un autoportrait, certes déformé par un rictus mais dans lequel Lars Von Trier ne se ménage pas trop. Parmi le kaléidoscope d’horreurs visibles dans le film, on peut d’ailleurs apercevoir des extraits des propres films du cinéaste. C’est très gonflé, mais c’est aussi passionnant d’assister à cette mise à nu jusqu’au-boutiste.

The House That Jack Built s’inscrit dans la continuité des derniers films-confessions du cinéaste. Directement dans celle de Nymphomaniac, et d’une certaine manière dans celle de Melancholia : des films dont les héros (en l’occurrence pour ces deux précédents films, des héroïnes) partagent avec nous leur sombre vision du monde. Jack prend le relais, et pour l’une des premières fois de sa carrière, l’éclectique cinéaste se répète un peu. The House That Jack Built ressemble à une déclinaison de son Nymphomaniac, la violence à la place du sexe, et l’on sent un peu plus la formule que d’habitude. Très bavard, le film n’évite pas toujours un côté donneur de leçon.

Il y a pourtant dans le film un indiscutable grain de folie et un saut dans le vide sans parachute qui rendent le spectacle assez remarquable. En plus du portrait violemment honnête du cinéaste, le film est parcouru de visions puissantes, parfois jusqu’à un réjouissant absurde. L’humour fait parfois trop de clins d’œil, mais ce côté trop-plein de tout semble être inhérent à la démarche du film. C’est un grand huit avec ses enivrantes accélérations, ses à-coups maladroits qui font mal aux cervicales, avec une montée finale insensée mais aussi une toute dernière scène frustrante. Le résultat est passionnant mais inégal, avec un réalisateur qui semble donner tout, tout en tournant un peu en rond.

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par Nicolas Bardot

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