Critique : Capharnaüm

À l’intérieur d’un tribunal, Zain, un garçon de 12 ans, est présenté devant le juge. À la question :  » Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? « , Zain lui répond :  » Pour m’avoir donné la vie ! « . Capharnaüm retrace l’incroyable parcours de cet enfant en quête d’identité et qui se rebelle contre la vie qu’on cherche à lui imposer.

Capharnaüm
Liban, 2018
De Nadine Labaki

Durée : 2h03

Sortie : 17/10/2018

Note : 

ET MAINTENANT ON VA OÙ ?

Un enfant de douze ans attaque ses parents en justice pour l’avoir mis au monde. D’emblée, Nadine Labaki n’y va pas de main morte avec la parabole. Mais ces scènes de procès – à l’écriture un peu trop didactiques – qui ouvrent Capharnaüm ne sont qu’un prétexte à raconter en flashback l’histoire de Zain. Tant mieux, car dès l’instant où la caméra de Nadine Labaki quitte le tribunal pour suivre son protagoniste dans les dédales des bidonvilles tentaculaires de Beyrouth, le film décolle avec grâce pour ne plus revenir en arrière.

Labaki capte le quotidien douloureux de Zain avec une approche néo-réaliste, et pas seulement dans sa capacité rare à donner vie à la cacophonie des rues ou à l’urgence des situations de survie. Capharnaüm raconte les histoires d’enfants des rues, contraints à voler et vendre n’importe quoi pour survivre, et si ces histoires ont l’air plus vraies qu’ailleurs c’est qu’elles le sont. Les comédiens sont ici des non-professionnels qui jouent des situations inspirées de leur vraie vie. Ainsi, Zain est ainsi un vrai réfugié Syrien, repéré à Beyrouth par la directrice de casting du film, et l’histoire de Capharnaüm est inspiré de son propre parcours.

La vie n’est pas tendre avec Zain, mais le film non plus. Autour de ce gamin stoïque, Nadine Labaki greffe plusieurs récits secondaires toujours plus poignants: la petite sœur de Zain vendue comme épouse à un adulte, une jeune mère éthiopienne sans papiers, un bébé abandonné… Il y avait déjà dans les précédents films de la réalisatrice (Caramel, Et maintenant on va où?), une manière de mettre les pieds dans le plat du mélo, d’être toujours sur le point d’en faire trop mais de s’en tirer par une superbe pirouette, de s’emparer de ce qui pourrait être des clichés de cinéma, mais de les porter à bout de bras pour leur donner le souffle nécessaire. Et du souffle romanesque, Capharnaüm en a à revendre.

Un garçonnet irrésistible face à l’adversité, rejouant pour la caméra son parcours traumatisant, le tout dans un improbable mélange de captation documentaire, de fable et de tire-larmes assumé, fait de violons et de ralentis? En théorie rien de tout cela ne devrait pouvoir tenir debout, ou même résister au poids des clichés et des bonnes intentions – celles qui pavent l’enfer de mauvais films sur les enfants et la guerre. Et pourtant quelle force ! Et pourtant, non seulement la recette prend, l’émotion naît mais elle déborde dans un torrent qui emporte tout. Cette histoire vraie a de quoi être noire de chez noire et déprimante, Labaki la rend lumineuse et pleine d’espoir. A l’image de son jeune héros increvable, Capharnaüm est un film qui avance bille en tête et ne s’arrête jamais.

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par Gregory Coutaut

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