Berlinale | Critique : Hors du temps

Quand le confinement est déclaré, deux couples se cloîtrent ensemble.

Hors du temps
France, 2024
De Olivier Assayas

Durée : 1h45

Sortie : 19/06/2024

Note :

TRIVIALE POURSUITE

On pensait, on espérait même, que le temps passé depuis le confinement nous épargnerait d’être à nouveau confrontés à la maladresse d’artistes aisés nous racontant les doux plaisirs de leur retranchement forcé avec leurs proches dans d’amples maisons avec jardins. Alors que le cinéma français a su s’emparer sans attendre du sujet du confinement avec métaphores et imagination (de Coma à Incroyable mais vrai), Olivier Assayas nous invite à faire un tour dans ce qu’il faut bien appeler la moins excitante des machines à voyager dans le temps. Hors du temps est en effet une fiction directement inspirée du confinement que le cinéaste a passé avec son frère (et leurs compagnes respectives, mais le film se concentre surtout sur les hommes) dans leur confortable maison d’enfance.

Le point d’origine d’Hors du temps possède une dimension autobiographique (Assayas a bel et bien tourné dans la demeure familiale) et documentaire intéressante. Le film s’ouvre d’ailleurs avec la voix off du réalisateur, qui nous présente de sa voix un peu traînante les lieux où il a grandi, les œuvres et objets qui l’ont inspiré. Ce catalogue intime, cet « herbier des sentiments » pour reprendre l’expression utilisée par un des personnages, revient à plusieurs reprises interrompre la fiction et tant mieux. D’une part car ces adresses directes aux spectateurs se révèlent touchantes en dépit de leur aspect factuel, et qu’on y ressent le souvenir d’un monde effectivement disparu, « hors du temps », et d’autre part parce que tout le reste du film est hélas la comédie bourgeoise, facile et autocentrée que l’ont pouvait craindre dès la lecture du pitch (et dès l’annonce de la présence, convenue, de Vincent Macaigne dans le rôle du héros gentiment maladroit).

Que l’on assiste à des engueulades sur des sujets triviaux, des private jokes, des considérations de boomers (sur le gluten ou Netflix) ou encore des parties de blind test, on a ici très vite l’étouffante impression d’être dans la peau de l’inconnu en trop dans une soirée où tout le monde se connaît déjà bien. Hors du temps est rempli à ras-bord de discussions impromptues sur l’art qui pourraient évoquer celles des personnages de Rohmer, mais sans le précieux décalage lunaire de l’auteur de Ma nuit chez Maud, Hors du temps ne ressemble qu’à une lourde litanie de name-dropping intello.

Il faut attendre une heure pour que le héros évoque enfin « l’obscénité d’exhiber la chance que j’ai » mais le film ne fait pourtant pas grand chose d’autre que ça. Le résultat n’est même pas assez singulier ou consistant pour avoir l’alibi de servir de thérapie. Comme le répond un personnage à qui Macaigne/Assayas raconte justement ses malheurs : « Tu veux mon avis ? Rien de plus banal ».

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article