A voir en ligne | Critique : Lucky Chan-Sil

Chan-sil est une productrice passionnée d’une quarantaine d’années qui a consacré sa vie à produire les films d’un seul et unique réalisateur. Aussi, quand celui-ci décède subitement, elle se retrouve seule, au chômage et sans le sou. Entre déménagements, petits boulots alimentaires et rencontres amoureuses, Chan-sil commence une nouvelle vie. Mais le cinéma ne se laisse pas quitter aussi facilement.

Lucky Chan-Sil
Corée du Sud, 2019
De Kim Cho-Hee

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

AU PETIT BONHEUR LA CHANCE

Lucky Chan-Sil s’ouvre par un jeu à boire à base de soju mais on s’arrête vite de rire lorsque l’un des joyeux participants tombe raide mort. Ce chaud-froid est très représentatif de l’esprit qui anime le premier long métrage de la Coréenne Kim Cho-Hee, qui mêle tendresse et amertume, rire et tension dépressive. Son héroïne est une productrice de cinéma qui n’a jamais travaillé qu’avec un seul cinéaste et qui se retrouve fort dépourvue lorsque celui-ci décède. L’inspiration serait-elle autobiographique ? Avant de signer ce premier film, Kim s’est distinguée en tant que productrice de Hong Sangsoo – et de personne d’autre (à la différence près que Hong est bel et bien vivant, merci pour lui).

Et il y a certainement du vécu dans les situations racontées par la cinéaste, comme lorsque la productrice entame une conversation avec un homme pour qui Voyage à Tokyo est l’un de ces films « où il ne se passe rien ». Chan-Sil tressaille, tout ce que raconte Ozu dans son film est fondamental, et quand bien même : « qu’est-ce qu’il y a de mal avec les choses simples ? ». Son interlocuteur lui confie son amour pour Christopher Nolan et la conversation – que nombre de passionné.e.s de cinéma ont déjà eue ou lue, est comme bouclée.

Kim Cho-Hee a le sens du détail dans cette fantaisie amère, et c’est ce qui lui donne sa vibration et sa sensibilité. C’est ce qui rend vivant ce questionnement existentiel, qui peut parler avec légèreté de choses graves. Chan-Sil est un « joyau caché du cinéma coréen ». Tellement caché qu’elle se sent comme hors-jeu, assise au bord du monde. Kim la regarde avec bienveillance : rien n’est figé dans ce cadre où l’incongru s’invite régulièrement, et l’humanité palpite dans ce portrait baigné par la chaleureuse lumière de fin de journée et qui parfois se déroule dans la quiétude de ce monde à part qu’est la nuit.


>> Lucky Chan-sil est disponible sur Mubi

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par Nicolas Bardot

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